Face à Bakou, Erevan dit avoir reçu une « garantie de sécurité » supplémentaire de la part de Moscou

Lors de la dernière guerre du Haut-Karabakh [septembre/novembre 2020], et en qualité de membre de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC] l’Arménie aurait bien voulu avoir un appui militaire russe pour faire face à l’Azerbaïdjan, alors soutenu par la Turquie.

Seulement, le Haut-Karabakh [ou Artsakh] étant une république auto-proclamée non reconnue par la communauté internationale, les forces russes restèrent l’arme au pied. Mais il en aurait été autrement si les combats s’étaient étendus au territoire arménien.

« L’Arménie est membre de l’OTSC. Nous avons certaines obligations dans le cadre de ce traité. Mais les hostilités qui, à notre grand regret, se poursuivent à ce jour ne se déroulent pas sur le territoire arménien », avait ainsi expliqué le président russe, Vladimir Poutine, le 7 octobre 2020.

Cela étant, cette guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan se termina à la faveur d’un cessez-le-feu négocié sous l’égide de la Russie. Et les forces arméniennes furent contraintes de laisser le terrain perdu face à leurs homologues azerbaïdjanaises.

L’accord, entré en vigueur le 10 novembre, prévoyait également le déploiement d’environ 2.000 soldats russes le long de la ligne de contact et dans le corridor de Latchin ainsi que la mise en place d’un « centre de maintien de la paix pour le contrôle du cessez-le-feu. » Mais pas seulement… car il était aussi question de construire de nouvelles voies de transport entre les régions occidentales de l’Azerbaïdjan et la République autonome azerbaïdjanaise du Nakhitchevan. Ce qui suppose de traverser la région arménienne de Syunik.

Par le passé, le Nakhitchevan était un territoire arménien. Annexé en 1828 par la Russie, il fut rattaché en 1921 à l’Azerbaïdjan et la population arménienne qui y vivait en fut progressivement expulsée. D’où le problème que pose actuellement cette enclave azerbaïdjanaise, qui n’a de frontières qu’avec l’Arménie, la Turquie et l’Iran. Lors du conflit de l’automne dernier, il fut prêté à Bakou l’intention d’y remédier en mettant la main sur la région de Syunik. Ce qui, pour le coup, aurait justifié une intervention militaire russe dans le cadre de l’OTSC.

En tout cas, à Erevan, une telle perspective est prise très au sérieux. Le 14 avril dernier, et alors qu’il a des rapports tumultueux avec l’état-major des forces armées de son pays, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a fait savoir que de négociations avaient été ouvertes pour renforcer les capacités militaires russes en Arménie, lesquelles reposent actuellement sur la 102e base militaire établie à Giumry [nord-ouest, ndlr].

« L’alliance militaire arméno-russe est essentielle pour assurer la sécurité de l’Arménie », a-t-il déclaré, alors qu’il est en campagne pour sa réélection. Et de préciser que les discussions portaient sur une extension de cette présence militaire russe à la région de Syunik.

A priori, et selon les agences de presse russe qui ont rapporté ses propos, M. Pachinian a eu gain de cause. Ainsi, a-t-il dit, le 3 mai, l’armée russe s’esr déployée sur deux nouveaux sites dans la région de Syunik, près de la frontière avec l’Azerbaïdjan.

« La 102e base militaire russe a établi deux places fortes dans la région de Syunik », a en effet affirmé le Premier ministre arménien. « C’est une garantie de sécurité additionnelle non seulement pour le Syunik mais pour l’Arménie », a-t-il relevé. On ignore si ce redéploiment des forces russes vers ces deux nouvelles positions s’est fait à effectif constant ou si des renforts ont été nécessaires.

Quoi qu’il en soit, cette annonce faite par M. Pachinian suit les propos récemment tenus par le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev. En effet, critiquant le peu d’empressement d’Erevan au sujet du désenclavement du Nakhitchevan, ce dernier a évoqué un passage en force. « Le couloir de Zanguezour [nom donné à la région de Syunik par les Azerbaïdjanais, ndlr] sera ouvert, que l’Arménie le veuille ou non. Si elle ne le veut pas, nous résoudrons cette question par la force » a-t-il en effet déclaré, le 24 avril.

Reste qu’il est peu probrable que Bakou mette ses menaces à exécution. D’autant plus que, outre ce rédeploiement des forces russes annoncé par le Premier ministre arménien, le relations entre Erevan et Moscou vont très certainement se renforcer dans les mois à venir.

Ainsi, lors d’une visite à Moscou, début avril, M. Pachinan a discuté avec M. Poutine des « questions économiques et commerciales, du projet d’une deuxième centrale nucléaire en Arménie, de la sécurité régionale, du réarmement et de la réforme de l’armée arménienne, de l’envoi en Arménie de la première cargaison de doses de vaccin Spoutnik V », a détaillé News Armenia. « La Russie est devenue un facteur important de la politique intérieure de l’Arménie, qui vit une période difficile après sa défaite dans la deuxième guerre du Karabakh », a résumé le journal arménien Verelq.

Photo : Présidence la République arménienne

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