Selon Paris, un accord sur le drone MALE européen pourrait être signé avant la fin de cette année

Pendant que le constructeur américain General Atomics planche sur le successeur de son drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper, annoncé comme étant plus encore plus endurant, avec une signature radar réduite, grâce à un profil en aile volante, les discussions portant sur l’Eurodrone, un appareil européen conçu par Airbus, Dassault Aviation et Leonardo, se poursuivent. Et, rapporter l’AFP, le ministère français des Armées est « confiant » pour obtenir un accord d’ici la fin de cette année.

Devant être doté de deux turbopropulseurs à la demande de la partie allemande, ce drone MALE européen [ou MALE RPAS], aux dimensions imposantes [il est question d’un appareil de 11 tonnes, ndlr], fait l’objet d’intenses négociations au sujet de son prix, lequel est supérieur de 30% à celui que les pays clients [France, Allemagne, Italie et Espagne] sont prêts à payer.

Lors de l’édition 2019 du Salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait mis la pression sur les industriels en laissant entendre que ce programme pourrait ne pas aller jusqu’au bout. Plus tard, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, évoqua des « discussions viriles », tout en se disant déjà confiant pour obtenir un accord d’ici janvier 2020. Accord qui n’est pas venu…

Puis, en février, dans une réponse adressée à la Cour des comptes à la suite d’un rapport sur les drones aériens militaires, le ministère des Armées avait été très clair.

« La détention de capacités opérationnelles performantes, essentielle à la préservation de la liberté d’action des armées françaises ainsi que la maîtrise des coûts, notamment des coûts de possession, seront des critères d’appréciation fondamentaux qui devront peser autant que les autres considérations », avait-il fait valoir, estimant qu’il « serait […] difficilement compréhensible qu’en 2028, les armées françaises ne soient pas dotées d’équipements aussi performants que ceux, d’ores et déjà disponibles sur le marché. »

Puis, lors d’une audition au Sénat, Mme Parly reprit ces arguments. « Nous ne pouvons pas accepter qu’un drone soit plus cher que ce que nous pourrions trouver sur le marché et soit moins opérationnel car ne disposant pas de l’ensemble des capacités dont nous souhaitons disposer », avait-elle dit. Et d’insister : « Nous arrivons maintenant à un moment où il faudra trancher. »

Alors que l’armée de l’Air & de l’Espace fit carrément l’impasse sur l’Eurodrone tout en tressant des lauriers au MQ-9 Reaper dans son dossier de presse publié à l’occasion du 14-Juillet, on pouvait se poser des questions sur l’avenir de ce programme européen. D’autant plus qu’il était question, dans ce document, d’acquérir quatre systèmes américains supplémentaires [soit 12 Reaper de plus, ndlr].

Mais, à la veille d’un déplacement de Mme Parly à Manching [Allemagne], sur le site d’Airbus Defence & Space, le ministère des Armées s’est donc dit confiant sur un possible accord concernant l’Eurodrone.

« On continue les négociations. On se félicite côté français d’avoir mis une énorme pression sur l’industriel parce que, à force d’insister, on finit par y être », a en effet indiqué, à l’AFP, le cabinet de Mme Parly. S’il reste « quelques menus détails, « on est plutôt allants sur l’issue de ce projet » et sous réserve de l’accord des autres pays partenaires, « une décision formelle sera prise normalement avant la fin de l’année », a-t-il ajouté.

La somme que les pays participants au programme sont prêts à investir pour 21 systèmes Eurodrone [soit 63 appareils] est de 7,1 milliards d’euros. « On est tout près » de cette cible, avance-t-on au cabinet de la ministre. « Bien sûr, il y a des coûts de développement associés à ce programme, on a un ticket d’entrée à mettre pour développer un drone européen. La souveraineté a un prix, pas n’importe lequel, mais on l’assume », a-t-on aussi fait valoir.

Toujours selon la même source, le coût unitaire d’un Eurodrone serait moins élevé que celui d’un Reaper [160 millions contre 200 millions par système de trois appareils, ndlr]. Et le coût de l’heure de vol serait 1.000 euros moins cher [3.000 contre 4.000 euros, ndlr]. Ce qui, au regard des spécifications techniques du drone européen [une double motorisation implique une hausse des coûts de maintien en condition opérationnelle, ndlr] peut sembler curieux…

Toutefois, dans un rapport publié à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances initiale pour 2020, le sénateur Cédric Perrin avait expliqué que les sur-spécifications de l’Eurodrone n’étaient pas un obstacle majeur étant donné qu’elles avaient été intégrées dès 2017. Et d’ajouter : Il faut « bien penser que le contrat ne porte pas que sur les drones eux-mêmes, mais aussi sur les matériels nécessaires à la formation, en l’espèce des simulateurs, le système de contrôle et même le début du maintien en condition opérationnelle. »

Quoi qu’il en soit, et comme l’explique une source « proche du dossier » citée par l’AFP, la crise économique causée par la pandémie de covid-19 pourrait être la « bouée de sauvetage » de l’Eurodrone, étant donné qu’il serait malvenu d’acquérir des drones aux États-Unis alors que l’industrie aéronautique européenne se trouve actuellement en grande difficulté.

Si un accord est trouvé, le premier Eurodrone pourrait être livré à l’Allemagne en 2027. La France, qui prévoit de commander six systèmes, ne serait servie qu’en 2028, soit avec trois ans de retard par rapport aux objectifs fixés par la Loi de programmation militaire 2019-25. Où en sera le successeur du Reaper d’ici-là? Et les besoins actuels seront-ils les mêmes dans huit ans?

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