Selon Mme Parly, la relance du dialogue avec la Russie n’a pas encore donné de « résultats tangibles »

Lors de la traditionnelle Conférence des Ambassadeurs, en août dernier, le président Macron avait invité les diplomates français à faire preuve « d’audace » et à « rompre » avec leur éventuelle défiance à l’égard de Moscou, même « si elle avait pu être justifiée par le passé », afin de « repenser » le lien entre la France et la Russie.

En effet, et malgré les sujets de fâcheries [ingérences russes dans les élections, Centrafrique, Ukraine, Syrie, etc], Emmanuel Macron avait alors estimé que ce serait « une profonde erreur » que de « pousser la Russie loin de l’Europe » et de la voir se rapprocher de la Chine. D’où la nécessité, selon lui, de dialoguer avec Moscou tout « en posant nos conditions ».

Ces propos suscitèrent de l’étonnement, si ce n’est de la méfiance, parmis les partenaires de la France. Aussi M. Macron s’était-il attaché à dissiper les malentendus lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février dernier. « Ce que j’ai proposé, ce n’est pas de dire soudainement les choses vont changer, vous allez voir, embrassons-nous. […] On est exigeant, on ne cède rien sur nos principes mais on réengage le dialogue qui va prendre du temps, on réengage un dialogue stratégique parce qu’aujourd’hui la situation dans laquelle on est est la pire », avait-il expliqué.

Envoyé spécial du président Macron « pour l’architecture de sécurité et de confiance avec la Russie », le diplomate Pierre Vilmont avait livré des précisions au Sénat. Ainsi, avait-il dit, l’un des enjeux du dialogue avec Moscou vise à mettre en place des « contacts entre chefs d’État-major » ainsi que des « canaux de désescalade dans tous les domaines où cela peut-être utile et nonobstant d’éventuels différends avec nos interlocuteurs russes. »

Mais pour discuter, il faut être au moins deux. La Russie est-elle disposée à saisir la perche tendue par la France. Pour M. Vimont, cela ne fait pas de doute. Pour au moins deux raisons.

« Tout d’abord, un peu cyniquement, la France intéresse la Russie, parce que cette relation pourrait diviser les Européens. L’idée qu’un pays se détache des autres pour nouer un dialogue bilatéral ambitieux avec la Russie pourrait être considérée comme une manière d’entamer l’unité européenne. Ce n’est toutefois pas notre objectif », avait-il expliqué aux sénateurs.

Ensuite, avait continué M. Vimont, étant donné le rôle moteur que tente de jouer la France dans le renforcement de l’Union européenne, il est important pour Moscou « de bien comprendre et de dialoguer. »

Cependant, si MM. Macron et Poutine échangent assez régulièrement, comme cela a encore été le cas le 26 juin dernier, par vidéoconférence, le dialogue franco-russe connaît des débuts très timides au niveau militaire.

« J’ai demandé que nous fassions du cas précis de la Centrafrique le laboratoire de mise à l’épreuve de la bonne volonté affichée par la Russie pour être un partenaire dans la résolution des crises, et non pas quelqu’un qui souhaiterait utiliser ces crises à des fins de déstabilisation ». Or, « j’attends de pouvoir mesurer réellement le degré de bonne volonté de nos camarades russes. À ce stade, ça reste malgré tout assez difficilement perceptible », avait ainsi expliqué le général François Lecointre, le chef d’état-major des armés [CEMA] lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense [AJD], en janvier.

Qu’en est-il depuis? « Si la question est : ‘y a-t-il des résultats d’ores et déjà tangibles au dialogue que la France a amorcé avec la Russie?’, je vous répondrais très sincèrement que ce n’est pas encore le cas, mais nous sommes conscients qu’un dialogue de ce type ne peut pas produire de résultats immédiats. Il faut pouvoir le poursuivre dans la durée », a admis Florence Parly, la ministre des Armées, devant la sous-commission défense et sécurité du Parlement européen ce 2 juillet.

Pour autant, il est important, a estimé la ministre, d’avoir un dialogue avec Moscou. « Dans les efforts importants que nous menons pour parvenir à un cessez-le-feu en Libye, nous avons besoin de discuter avec la Russie. La Libye n’est pas le seul domaine où une telle discussion est nécessaire : il y a tout le volet de la stabilité stratégique et de la maîtrise des armements en Europe, après la fin du traité FNI et la fragilisation du Traité Ciel Ouvert ; il y a aussi l’Ukraine, la Syrie, et d’autres conflits encore », a fait valoir Mme Parly.

Mais dans le même temps, a-t-elle souligné, « cele ne veut pas dire être naïf ou aveugle ». En effet, a continué la ministre, Nous savons qui est en face. Je le sais, j’étais à Moscou en septembre dernier avec le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. » Aussi, « il ne faut pas s’attendre à des résultats immédiats ; mais c’est un travail de fond dont nous espérons qu’il portera ses fruits à terme », a-t-elle conclu.

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