Le général Charles Brown Jr confirmé à la tête de l’US Air Force
La situation peut sembler paradoxale aux États-Unis, où les tensions raciales ont repris de la vigueur après la mort de George Floyd, un afro-américain mort par étouffement lors de son interpellation par un policier de Minneapolis [Minnesota]. Paradoxale car le pays qui s’est donné Barack Obama pour président à deux reprises a pourtant connu plusieurs responsables issus de la communauté afro-américaine, ce qui aurait été impensable dans les années 1960.
Ainsi, le général Colin Powell a été chef d’état-major des forces américaines entre 1989 et 1993, avant de devenir secrétaire d’État en 2001. Ancien général et pilote de l’US Marine Corps, Charles F. Bolden fut administrateur de la Nasa de 2009 à 2017, après avoir été astronaute et passé plus de 28 jours en orbite [le premier astronaute afro-américain à avoir été dans l’espace fut Guion Bluford, un vétéran de la guerre du Vietnam, au cours de laquelle il effectua 144 missions de combat au sein de l’US Air Force].
Par ailleurs, l’US Navy a récemment fait savoir que le quatrième porte-avions de la classe Gerald Ford porterait le nom de Doris Miller, un matelot afro-américain qui fut un héros de Pearl Harbor, au point de se voir décerner la Navy Cross, la seconde plus haute distinction de la marine américaine. Et l’US Air Force a décidé d’appeler son futur avion de d’entraînement « T-7A Red Hawk », en hommage aux Tuskegee Airmen, un groupe d’aviateurs afro-américains surnommé « Red Tail Angels » qui se distingua durant la Seconde Guerre Mondiale.
Pour autant, ces personnalités et ces mesures ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt et masquer les discriminations visant la communauté afro-américaine. Une récente étude de l’organisation Protect our Defenders, dont les conclusions n’ont pas été discutées par le Pentagone, a ainsi mis en lumière des différences de traitement, les aviateurs noirs étant deux fois plus sanctionnés que les autres.
« Bien qu’une enquête interne de l’Air Force ait conclu en 2016 à des disparités raciales ‘constantes’ et ‘persistantes’ dans les jugements de soldats, il apparaît que rien n’a été fait depuis quatre ans pour résoudre le problème », a commenté Don Christensen, un ancien colonel de l’aviation américaine, qui dirige désormais « Protect our Defenders ».
« Nous avons pris des mesures pour sensibiliser aux préjugés subconscients à tous les niveaux de formation de notre hiérarchie, mais nous avons encore du travail à faire pour identifier et éliminer les obstacles que nos soldats doivent surmonter », a admis Ann Stefanek, la porte-parole de l’US Air Force.
Commandant des forces aériennes de l’US INDOPACOM [le commandement militaire américain pour la région Indo-Pacifique], le général Charles Brown Jr, issu de la communauté afro-américaine, a témoigné des difficultés dont il a dû triompher au cours de sa carrière au sein de l’US Air Force, marquée par 2.900 heures de vol [principalement aux commandes d’un F-16], dont 130 au combat.
Désigné en mars dernier par le président Trump pour devenir le prochain chef d’état-major de l’US Air Force, le général Brown a diffusé une vidéo, le 5 juin, pour témoigner de son parcours et ce qu’il a vécu jusqu’à sa nomination. Il a ainsi raconté qu’il était le « seul Afro-Américain » de son escadron et, « en tant qu’officier supérieur, le seul Afro-Américain dans la pièce ». Selon les chiffres du Pentagone, pour 18,7% d’Afro-Américains dans ses rangs, seulement 8,8% sont des officiers.
« Alors que je portais la même combinaison de vol et les mêmes insignes que mes camarades, on me demandait si j’étais pilote », a encore confié le général Brown, par ailleurs issu d’une famille de militaires, son père ayant servi au Vietnam et pris sa retraite avec les galons de colonel.
Durant ses auditions au Congrès , le général Brown a insisté sur la nécessité d’améliorer la diponibilité et la préparation de l’US Air Force et s’est engagé à mener à bien le vaste plan de modernisation de l’aviation américaine, qui dispose d’un budget d’environ 170 milliards de dollars et 685 000 militaires et civils. En tout cas, il a su convaincre car les sénateurs ont voté à l’unanimité en faveur de sa nomination [98 voix pour, 0 contre].
« L’expérience du général Brown en tant que commandant des Forces aériennes du Pacifique et de la composante aérienne du Commandement indo-pacifique sera un atout alors que nous nous concentrons encore plus sur ce théâtre prioritaire », a commenté le sénateur [républicain] Jim Inhofe, qui préside le comité des Forces armées. « Non seulement le général Brown a accompli une belle carrière militaire, mais il est un leader inspirant, courageux, authentique et rassembleur. Je le félicite pour sa promotion historique », a-t-il ajouté.
« Un jour historique pour l’Amérique! Très content de coopérer encore plus étroitement avec le général Brown, qui est un patriote et un excellent leader! », a réagi le président Trump, via Twitter.
Dans sa vidéo, le général Brown s’était dit conscient des défis qui l’attendent dans une anaphore.
« Je pense aux Afro-Américains qui m’ont précédé pour rendre cette opportunité possible. Je pense aux immenses attentes qui accompagnent cette nomination historique, en particulier à travers le prisme des événements actuels qui affligent notre nation. Je pense à la façon dont ma nomination donne de l’espoir, mais s’accompagne également d’un lourd fardeau. Je ne peux pas réparer des siècles de racisme dans notre pays, ni des décennies de discrimination qui ont pu avoir un impact sur les membres de notre Force aérienne. Je réfléchis à la façon dont je peux apporter des améliorations personnellement, professionnellement et institutionnellement, afin que tous les aviateurs, aujourd’hui et demain, apprécient la valeur de la diversité et puissent servir dans un environnement où ils peuvent atteindre leur plein potentiel « , avait déclaré le désormais nouveau chef d’état-major de l’US Air Force.