La Marine nationale veut mettre l’accent sur ses stocks de munitions dans le cadre d’un possible plan de relance

Le budget de la mission Défense « aura un rôle particulier » à jouer pour relancer l’économie, fit valoir Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition parlementaire, en avril dernier. Et le François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA] ne dit pas autre chose.

« La relance exige que nous fassions de la dépense publique intelligente. Or le ministère des armées sait dépenser l’argent public – c’est un atout que nous devons faire valoir – aussi bien dans les grands programmes d’infrastructures que dans le soutien des armées, le fonctionnement des armées et le MCO. La dépense publique, déconcentrée auprès des bases de défense, irriguera immédiatement le tissu économique local et donc national », avait en effet expliqué le général Lecointre, à la même époque.

Ce rôle dans la relance de l’économie, le ministère des Armées a commencé à le tenir, en annonçant, dans le cadre d’un plan de soutien à la filière aéronautique de 15 milliards d’euros, en avançant certaines commandes prévues par la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 pour un montant de 600 millions d’euros, ainsi qu’en doublant la taille de Definvest, son fonds d’investissement géré avec Bpifrance.

Dans le détail, les commandes qui seront avancées concerneront 3 avions A330, 8 hélicoptères Caracal et un avion léger de surveillance et de renseignement [ALSR] pour l’armée de l’Air ainsi que le développement de drones embarqués pour la Marine nationale. Ce qui n’était pas attendu.

En effet, s’il a fait des drones embarqués l’une de ses priorités [chaque navire devra en être équipé, selon le plan Mercator], l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] , n’en a pas dit un mot quand il a évoqué un éventuel plan de relance, lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale.

« À plus long terme – vous aviez parlé de relance – nous aurons des enjeux budgétaires. Le respect de la trajectoire prévue par la LPM est l’élément principal sur lequel nous nous appuyons pour conduire les travaux de planification financière, notamment pour les grands programmes », a en effet estimé l’amiral Prazuck.

Cela étant, et après l’épisode de la propagation de la Covid-19 parmi les équipages du groupe aéronaval [GAN], une autre priorité est apparue. « Je dois également tirer, dans ce long terme, le retour d’expérience de la contamination de l’équipage du porte-avions pour faire évoluer les conditions de vie à bord des unités les plus anciennes », a ainsi affirmé le CEMM.  »

« Nos bateaux sont conçus pour se défendre vis-à-vis d’agressions extérieures : quand on parle de NRBC, c’est toujours contre un agressif nucléaire, chimique ou bactériologique venant de l’extérieur que l’on se défend. Face au COVID, nous sommes dans une situation que nous n’avons jamais connue et que nous devons prendre en compte, en analysant l’organisation de nos bateaux et la manière dont les marins sont logés. On ne va pas agrandir les bateaux mais il faut que nous soyons inventifs pour mieux isoler les marins lorsque cela est nécessaire », a ensuite développé l’amiral Prazuck, pour qui il va falloir « innover ».

Mais un autre sujet intéresse plus particulièrement la Marine en cas de ressources financières supplémentaires. « Ces perspectives de relance peuvent également être l’occasion de recompléter nos stocks de munitions qui sont trop faibles », a en effet dit le CEMM. Étant donné que ces munitions [torpilles F-21, Scalp naval, Exocet, Aster 15 et 30] sont fabriquées en France, cette proposition pourrait bien trouver un écho favorable.

D’autant plus que ce n’est pas la première fois que l’amiral Prazuck déplore la faiblesse du stock de munitions, notamment celles dites « complexes ». Il l’avait déjà fait en novembre 2018, après avoir dressé le constat d’un « durcissement » des opérations navales.

Pendant environ une vingtaine d’années, les munitions « complexes » ont fait l’objet d’un sous-investissement… parce que le contexte stratégique s’y prêtait. Comme ce dernier a évolué, il est donc urgent de revoir les stocks à la hausse.

Il « va falloir des années pour remonter la pente, des années pour recompléter nos stocks, des années pour avoir en soute suffisamment de missiles pour que nos frégates puissent en tirer régulièrement, pour s’entraîner, s’aguerrir, se familiariser avec le tir », avait souligné l’amiral Prazuck.

Le souci est que, comme l’avait fait remarqué un rapport du député Jean-Jacques Marilossian, remettre les stocks de munitions à niveau n’est pas aussi simple. « Compte tenu des capacités industrielles existantes, relever les stocks d’une munition complexe prend trois à cinq ans pour atteindre un volume significatif », avait-il relevé, avant d’estimer qu’il y aurait une « période difficile dans la gestion des stocks vers 2022 ou 2023. »

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