La mobilité militaire serait sacrifiée dans la dernière proposition budgétaire de la Commission européenne

En 2017, un rapport de l’Otan avait jeté un pavé dans la mare en affirmant que, en cas de conflit dans l’est de l’Europe, il serait très compliqué d’y acheminer des renforts pour contrer une attaque en raison des difficultés constatées pour passer d’un pays européen à un autre. « À quoi servent les systèmes d’armes les plus coûteux lorsqu’ils ne peuvent pas être transportés là où ils sont le plus nécessaires? », avait-il alors demandé.

L’état des infrastructures [normes de construction différentes] et les tracasseries administratives [en clair, la bureaucratie] faisaient partie des principales difficultés évoquées par ce rapport. D’où un plan « mobilité militaire » présenté par le Service européen pour l’action extérieure [SEAE] quelques mois plus tard. Il s’agissait alors d’établir un « Schengen militaire ».

« Faciliter la circulation des troupes et des moyens militaires est essentiel pour la sécurité des citoyens européens. Il est essentiel de bâtir une Union plus efficace, réactive et intégrée et d’utiliser plus efficacement les fonds publics », fit valoir le SEAE à l’époque. Et un budget ad hoc devait être élaboré pour financer les mesures qu’il prévoyait alors.

Dans son projet de cadre financier pluriannuel pour la période 2021-27, la Commission européenne avait prévu d’affecter 6,5 milliards d’euros pour améliorer la mobilité militaire au sein de l’Union européenne, ainsi que 13 milliards d’euros au Fonds européen de défense [FEDef], dont la raison d’être est de favoriser les coopérations européennes en matière d’armement. Enfin, 13 milliards d’euros devaient financer des programmes spatiaux, comme Galileo et EGNOS [European Geostationary Navigation Overlay Service], qui n’ont pas une vocation spécifiquement militaire.

Au total, la Commission tablait sur un cadre financier pluriannuel 2021-27 d’un montant de 1.134 milliards d’euros [en hausse de +1%], reposant sur une contribution de 1,11% du revenu national brut [RNB] des États membres. Un objectif revu à la hausse par le Parlement européen qui fixa ce seuil à 1,3% du RNB. Et le tout, en devant se passer de la contribution du Royaume-Uni, alors chiffrée à 75 milliards d »euros sur 6 ans.

Seulement, plusieurs pays du club dit des « 4+1 » [Pays-Bas, Danemark, Autriche, Suède, et l’Allemagne, refusent toute augmentation du montant de ce prochain cadre financier pluriannuel, quand ils n’exigent de diminuer leur participation.

En décembre 2019, la Finlande, qui assurait alors la présidence tournante de l’UE, proposa de réduire les ambitions affichées par la Commission et le Parlement européens, avec un projet de budget ramené à 1.087 milliards d’euros. Et, dans le cadre de cette proposition, les financements dédiés à la Politique agricole commune [PAC] pouvaient être maintenus, ceux prévus pour la défense [mobilité militaire et Fonds européen de défense] et les projets spatiaux devaient quant à eux subir un grand coup de rabot.

Si maintien du budget dédié la PAC était de nature à la satisfaire, la France fit savoir que toucher aux projets européens en matière de défense serait une « ligne rouge ». Surtout à l’heure où, pour le président Macron, l’Europe doit se doter d’une autonomie stratégique et technologique.

Les dernières discussions ayant réuni les chefs d’État et de gouvernement des 27, les 20 et 21 février, à Bruxelles, n’auront pas permis de rapprocher les différents points de vue, malgré les propositions de dernière minute faites par les services de Charles Michel, le président du Conseil européen, et ceux d’Ursula von der Leyen, la président de la Commission.

Selon la presse, ces dernières visaient à préserver les rabais consentis aux club des 4+1, à augmenter l’enveloppe destinée aux fonds de cohésion ainsi qu’à la PAC. Mais, en contrepartie, les investissements dédiés à la défense, à la politique spatiale et à la politique de voisinage devaient être réduits.

Selon le site Euractiv, un nouveau projet de la Commission a été élaboré afin de tenter de mettre tout le monde d’accord. Cette fois, il serait demandé aux 27 une contribution de 1,069%, voir 1,07% de leur RNB. Ce qui permettrait de conserver les moyens alloués aux fonds de cohésion.

Mais, encore une fois, le programme de recherche et d’innovation « Horizon Europe » perdrait 20 milliards d’euros de dotation [il passerait de 100 à 80 millards, ndlr]. Et les réductions concernant la politique de défense se concentreraient surtout sur la mobilité militaire. Des 6,5 milliards d’euros qui lui étaient initialement promis, on était déjà passé à 2,5 milliards dans la proposition faite par la Finlande, puis à 1,5 milliard lors de la dernière réunion organisée à Bruxelles… Et donc à rien du tout dans le projet que s’apprête à soumettre la Commission.

Reste que cette dernière proposition, et sous réserve qu’elle préserve le FEDef, risque de ne pas être encore du goût de la France, en raison des coupes dans le programme « Horizon Europe », notamment dans les projets spatiaux, à l’heure où, justement, les grandes puissances investissement massivement dans ce domaine, tant par des initiatives publiques que privées.

Mais ceux qui sont le plus susceptibles de prendre ombrage de cette proposition pourraient être les pays d’Europe de l’Est. « Au sein de l’UE, [on dirait] que les préoccupations de sécurité des États membres du Sud [passent avant] celles des membres de l’Est. [Cela] soulève des questions sur l’Union européenne de la défense et dans quel intérêt celle-ci sera construite », a fait valoir Justyna Gotkowska, chercheuse au Centre d’études orientales de Varsovie, auprès d’Euractiv. Et d’ajouter : « Comme la mobilité militaire est l’un des sujets au cœur de la coopération UE-OTAN, [ces réductions budgétaires auront] aussi un impact sur la relation entre les deux organisations. »

Photo : Ministère des Armées

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