Selon un rapport confidentiel, l’Otan ne serait pas en mesure de faire face à une éventuelle agression russe

Les capacités militaires de l’Otan, dont 80% seraient fournies, selon son secrétaire général, Jens Stoltenberg, par des pays n’appartenant pas à l’Union européenne (États-Unis, Canada, Norvège et bientôt le Royaume-Uni), sont importantes. Théoriquement, en cas d’une hypothétique agression russe, elles devraient être suffisantes pour défendre un des États membres. Mais en théorie seulement…

L’hebdomadaire allemand Der Spiegel a en effet révélé le contenu d’un rapport confidentiel de l’Otan qui met en lumière des lacunes sérieuses pouvant remettre en cause la capacité de l’Alliance à réagir le cas échéant. Ce que le général Ben Hodges, qui commande l’US Army en Europe, avait déjà ouvertement évoqué l’été dernier.

Le problème se situe au niveau logistique. Le rapport en question, relatif aux « progrès sur la dissuasion renforcée et la posture de défense de l’Alliance » arrive à la conclusion que « la capacité de l’Otan de soutenir au niveau logistique un renfort rapide dans le territoire très étendu » relevant du Commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), « s’est atrophiée depuis la fin de la guerre froide ».

L’un des problèmes porte sur les infrastructures. Ce qui avait été déjà mis en lumière lors du déploiement d’une brigade américaine en Pologne, en janvier dernier. Des véhicules avaient été endommagés après avoir percuté des ponts dont la hauteur était trop basse par rapport aux normes en vigueur dans les pays occidentaux.

D’après le rapport évoqué par Der Spiegel, il manque des points d’approvisionnement pour les véhicules blindés, des trains pour transporter les équipements lourds et des ponts assez robustes pour supporter le passage d’un char de 62 tonnes. « À quoi servent les systèmes d’armes les plus coûteux lorsqu’ils ne peuvent pas être transportés là où ils sont le plus nécessaires? », demandent les auteurs du document.

Et cela met en doute la capacité de la Force de réaction de l’Otan (Nato Response Force, NRF) à « intervenir rapidement et d’être soutenue, si nécessaire. » Or, en cas d’incident majeur dans les pays baltes, il faudrait que l’Otan y envoie « 7 divisions […] pour éviter une défaite dans la région », selon le général tchèque Petr Paval, le président du comité militaire de l’Alliance.

Cela illustre que la logistique reste un élément central des opérations militaires. « C’est en respectant la logistique que le général Eisenhower mena jusqu’à la victoire […] la machinerie des armées du monde libre », avait ainsi reconnu le général de Gaulle….

Autre problème identifié : la bureaucratie. Le site spécialisé Defense One avait récemment évoqué le cas d’un escadron du 2nd Cavalry Regiment de l’US Army qui, parti de Roumanie, s’est trouvé bloqué à la frontière bulgare. « Nous nous sommes assis dans nos Strykers pendant une heure et demie au soleil, attendant que les gars tamponnent manuellement les papiers », a raconté le colonel Patrick Ellis.

« En temps de paix, une telle situation ne semble guère plus que burlesque. Mais dans des circonstances plus graves, une telle chose pourrait limiter la capacité de l’Otan à se défendre », commente Der Spiegel. « Même si une guerre éclatait, cela ne signifierait pas que les règles seraient levées », a par ailleurs souligné le général Steven Shapiro, en charge de la logistique de l’US Army en Europe.

Et c’est exactement ce qu’avait souligné le général Ben Hodges, qui plaide pour la mise en place d’une « zone Schengen militaire, qui permettrait aux formations militaires de passer rapidement d’Allemagne vers la Pologne et la Lituanie ou vers la Roumanie à travers la République tchèque. »

Les structures de commandement de l’Otan, remodelées après la fin de la Guerre Froide pour faire de la « gestion de crise internationale », sont aussi mises en cause. Selon le rapport, elles « ne sont au mieux que partiellement adaptées et, même si elles n’ont pas été testées, elles échoueraient rapidement si elles devaient être engagées dans une MJO+ (Major Joint Operations +). En clair, elles seraient dépassées en cas de guerre.

Sur ce point, la norvégienne Ine Marie Eriksen Søreide, qui vient de céder son fauteuil de ministre de la Défense pour les Affaires étrangères), a admis que des efforts étaient à faire. « Nous savons que nous devons adapter et moderniser l’alliance et les structures de commandement », a-t-elle confié à Der Spiegel.

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