Le Pentagone s’inquiète de la montée d’un sentiment pro-Russie au sein de la communauté militaire américaine

Lors de la publication d’une nouvelle stratégie de défense, en janvier 2018, James Mattis, alors chef du Pentagone, avait affirmé que les États-Unis devaient faire face aux « menaces croissantes » de « puissances révisionnistes » qui, à l’instar de la Russie et de la Chine, « tentent de créer un monde compatible à leurs modèles autoritaires. »

Or, à l’époque, l’enquête visant à déterminer une possible collusion entre le président Trump et la Russie, dans le cadre de l’ingérence russe dans l’élection de 2016, battait alors son plein. Depuis, aucune aucune preuve contre l’actuel locataire de la Maison Blanche n’a pu être avancée.

Cependant, le procureur Robert Mueller, chargé des investigations, a fait état de « pressions troublantes », qui l’ont conduit à admettre qu’il n’était pas en mesure d’exonérer M. Trump de « soupçons d’entrave à la justice. » En outre, il a confirmé que « l’État russe s’était immiscé dans l’élection présidentielle de 2016 d’une façon vaste et systématique. » Et d’ajouter : « D’une part, une organisation russe a mené une campagne sur les réseaux sociaux qui a favorisé M. Trump tout en dénigrant » Hillary Clinton et « d’autre part, une agence du renseignement russe a mené des opérations de piratage informatique contre des organisations, employés et volontaires travaillant sur la campagne de Clinton puis ont publié les documents volés. »

Plus récemment, certains responsables du renseignement américain ont été surpris par des déclarations faites par M. Trump lors du dernier sommet du G7, organisé en août à Biarritz. Au point de se demander s’il n’était effectivement pas « l’atout » ou « l’idiot utile » de Vladimir Poutine, le président russe. Pour rappel, il s’était prononcé en faveur du retour di G8, avec la réintégration de la Russie, laquelle en avait été écartée après son annexion de la Crimée.

L’année précédente, et outre l’ambiguïté sur ses propos au sujet de l’Otan, M. Trump avait suscité un autre tollé, après avoir déclaré, à l’issue d’un tête-à-tête avec son homologue russe, qu’il n’avait « pas de raison de croire davatange » les services de renseignement américains que M. Poutine sur le dossier de l’ingérence présumée de Moscou dans la course à la Maison Blanche de 2016.

Quoi qu’il en soit, le climat politique, les prises de position de M. Trump et les diffusions d’infox via les réseaux sociaux ont évidemment des incidences sur l’opinion publique américaine, comme en témoigne le récent sondage réalisé pour le compte de le Ronald Reagan Presidential Foundation and Institute.

Ainsi, si 71% des personnes interrogées disent considérer Moscou comme un adversaire, le pourcentage s’effondre à 53% parmi les ménages militaires [au sens large]. Et 46% considérent même la Russie comme un pays allié. Globalement, 28% des Américains pensent la même chose [contre 19% en 2018].

Cette hausse de ce sentiment pro-russe au sein de l’opinion publique américaine « semble être principalement motivées par des [électeurs] républicains qui ont réagi aux signaux positifs du président Trump sur la Russie », expliquent les auteurs de l’enquête, dont les résultats vont dans le sens d’un autre sondage réalisé un an plus tôt par le Pew Research Center.

« C’est dangereux. Les nouveaux sondages révèlent un changement significatif parmi les électeurs républicains qui, historiquement, se sont opposés à la Russie. De plus en plus de républicains ont changé d’opinion sur la Russie à cause des déclarations positives du président Trump sur la Russie et [le président] Poutine », a estimé Jorge Benitez, de l’Atlantic Council, interrogé par Voice of America.

« Les croyances et les perceptions des gens sont davantage façonnées par ce que disent les chefs de leur propre courant politique que par l’idéologie, l’histoire ou même leur propre intérêt », a expliqué Paul Pillar, un professeur de l’Université de Georgetown passé par la CIA.

Dans le même temps, la propagande, avec son cortège de fausses informations, est peut-être une autre clé pour comprendre cette tendance.

À l’heure où plus de la moitié des Américains se tournent vers les réseaux sociaux pour s’informer, les campagnes de désinformation consistent à diffuser massivement des mensonges, de demi-vérités ou de nouvelles absurdes. Les faits confirmés sont ainsi noyés dans la masse, quand ils ne sont pas perçus comme n’étant plus qu’une possibilité parmi d’autres. Le résultat est que le « consommateur d’informations » est déstabilisé.  »

« Au quotidien, l’assaut d’informations nous empêche d’être des décideurs factuels, à nos risques et périls », avait ainsi résumé Daniel Levitin, professeur de psychologie et de neurosciences comportementales à l’Université McGill à Montréal, dans un article du Christian Science Monitor, en 2017.

Reste que le Pentagone prend la chose très au sérieux. « Il y a un effort de la Russie pour inonder les médias de désinformation afin de semer le doute et la confusion, », a commenté Mme le lieutenant-colonel Carla Gleason, une porte-parole du département américain de la Défense, auprès de VOA. « Cela ne se traduit pas seulement par un dialogue discordant mais à travers de faux récits conçus pour susciter des opinions favorables », a-t-elle continué. « Nous travaillons activement pour dénoncer et contrer la désinformation russe dans la mesure du possible », a-t-elle assuré.

Des responsables de la défense américaine ont en effet confié à VOA que la « Russie ciblait en particulier le personnel militaire américain avec une campagne d’influence accélérée, depuis 2017″, avec l’objectif de faire en sorte que ce dernier soit disposé à voir la Russie et ses actions d’une manière plus favorable. » Visiblement, cela commence à porter ses fruits.

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