La Turquie est prête à envoyer des troupes en Libye pour y soutenir le gouvernement d’union nationale

La Turquie ne cache pas son soutien au gouvernement d’union nationale [GNA] libyen, d’autant plus que ce dernier a été mis en place sous l’égide des Nations unies, dans le cadre des accords de Skhirat, signé en décembre 2015.

Or, ce GNA, conduit par Fayez el-Sarraj, est contesté par le gouvernement dit de Tobrouk, qui fut autrefois reconnu par la communauté internationale étant donné qu’il était issu des élections législatives de juin 2014. Alors que le premier compte sur des milices, le second dispose de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar.

S’agissant des milices pro-GNA, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, les avait jugées sévèrement, dans un entretien donné au quotidien Le Figaro, en mai. « On trouve parmi les miliciens des responsables de hold-up, des spécialistes de la prédation et des jihadistes. Et il y a également les groupes mafieux de passeurs, qui torturent et mettent en esclavage des migrants. Ils ne se battent pas pour Sarraj mais pour la protection de leurs activités criminelles », avait-il en effet affirmé.

À l’époque, et après avoir mené, avec succès, des opérations anti-jihadistes dans l’est et le sud de la Libye, l’ANL venait de lancer une offensive en direction de Tripoli, en avril dernier. Depuis, la situation est figée, en partie grâce [ou à cause] aux soutiens extérieurs dont bénéficient les deux camps. Ainsi, l’Égypte et les Émirats arabes unis [voire, officieusement, la Russie] appuient l’action des troupes du maréchal Haftar tandis que la Turquie et le Qatar, proches des Frères musulmans, se tiennent aux côtés du GNA. Et ces soutiens se traduisent notamment par des livraisons d’armes.

Le 27 novembre, Ankara et Tripoli ont ainsi signé deux accords : l’un pour renforcer la « coopération militaire et sécuritaire », l’autre pour délimiter les frontières maritimes entre la Turquie et la Libye, en ignorant les îles grecques, l’Égypte et Chypre.

Or, ce 10 décembre, et alors que, la semaine passée, le Conseil de sécurité a adopté une déclaration appelant « tous les États membres à ne pas intervenir dans le conflit [libyen] ni à prendre des mesures qui pourraient l’intensifier » et qu’un rapport de l’ONU a accusé notamment la Turquie et les Émirats arabes unis d’avoir violer l’embargo sur les armes, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a affirmé qu’Ankara pourrait envoyer des troupes à Tripoli.

« Si la Libye formule une telle demande nous pourrons envoyer nos personnels [militaires], surtout que nous avons conclu un accord militaire », a en effet déclaré M. Erdogan. En outre, il a accrédité les informations américaines selon lesquelles la société militaire privée russe Wagner soutiendrait l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Ce que Moscou dément. « Cette compagnie a envoyé des personnels sur place », a-t-il dit.

Par ailleurs, M. Erdogan a également évoqué l’accord sur les frontières maritime conclu avec Tripoli, en affirmant, la veille, qu’il envisageait des « activités d’exploration conjointes » avec la Libye au large de Chypre, où est situé l’important gisement de gaz naturel  » Aphrodite ». Pour rappel, la Turquie y a déjà entrepris des activités de forage malgré les protestations de la République de Chypre, membre de l’Union européenne. Il s’agit, pour Ankara, de faire profiter la a République turque de Chypre du Nord [RTCN] de cette manne.

« Avec cet accord, nous avons augmenté au maximum le territoire sur lequel nous avons autorité. Nous pouvons mener des activités d’exploration conjointes », a ainsi assuré M. Erdogan, lors d’un entretien donné à la télévision publique TRT.

En attendant, la Grèce est vent debout contre cet accord. Et elle a appelé les Nations unies à le condamner, estimant qu’il est de nature à « perturber » la paix et la stabilité en Méditerranée orientale, étant donné qu’il « ignore la présence des îles grecques dans cette zone maritime, y compris l’île de Crète, et viole leur droit à créer des zones maritimes comme n’importe quel territoire terrestre. »

« La Turquie et la Libye n’ont ni zones maritimes superposées ni frontières communes et par conséquent, il n’y a aucune base juridique pour conclure légalement un accord de délimitation maritime », a fait valoir Athènes.

Qui plus est, pour le gouvernement grec, l’accord en question ne peut pas être valide dans la mesure où il n’a pas été approuvé par le Parlement libyen… lequel est acquis à la cause du gouvernement rival de Tobrouk.

Proche du maréchal Haftar, Aguila Saleh Issa, qui est également le président de Parlement libyen, s’est déclaré contre l’accord signé par Ankara et Tripoli. Il est d’ailleurs attendu à Athènes pour en discuter.

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