La clémence de M. Trump à l’égard d’un commando des Seals fait des remous au sein de l’US Navy

Au regard des faits qui lui étaient reprochés, le Special Operations Chief Edward Gallagher, chef de groupe à la Navy Seal Team 7 [photo ci-contre], risquait gros lors de son passage devant une cour martiale, en juin dernier.

Accusé, notamment, d’avoir commis un crime de guerre et de tentative de subornation de témoins, ce commando expérimenté qui s’attendait à se voir remettre la Sylver Star pour bravoure face à l’ennemi, fut finalement condamné à une peine de 4 mois de prison [déjà effectués en préventive] et à être rétrogradé au grade de maître [le galon de « Chief Petty Officer » n’a pas d’équivalent en France, ndlr] pour s’être fait photographier, en Irak, en train de tenir la tête d’un jihadiste mort d’une main et son couteau de chasse de l’autre. De quoi « porter préjudice aux forces armées ».

Justement, et c’était l’un des chefs d’accusation, Edward Gallagher était accusé d’avoir poignardé au cou ce jihadiste qui venait alors d’être blessé. Ce qui est contraire au droit de la guerre, les conventions de Genève exigeant que l’on prenne soin des ennemis blessés de la même façon que ses propres soldats. Mais, les maladresses et les erreurs de l’accusation ainsi que la déposition surprise d’un infirmier des Navy Seals ,présent au moment des faits, disculpa le commando, lequel bénéficiait, par ailleurs, de la bienveillance de… la Maison-Blanche, le président Trump lui ayant apporté son soutien.

Ainsi, l’opérateur spécial de 1ere classe Corey Scott, témoignant en vertu d’un accord d’immunité, assura qu’il avait lui-même achevé le jihadiste pour lui épargner des souffrances inutiles. Ce qui allait à l’encontre du témoignage de sept autres commandos et de ses propres déclarations antérieures…

L’affaire aurait pu s’arrêter là… Sauf que le président Trump n’avait pas dit son dernier mot. Après avoir obtenu une amélioration des conditions de détention d’Edward Gallagher, il demanda à Richard Spencer, le secrétaire à l’US Navy, de priver les militaires qui avait instruit son procès de leurs décorations. Puis, en octobre, il fit part de son intention de passer outre la condamnation du commando, qui, par ailleurs, avait été aussi accusé d’avoir tiré sans discernement sur des civils [ses hommes avaient même déréglé son fusil pour le rendre moins précis…].

« On fait de nos gars des machines à tuer et après on les juge quand ils tuent », s’était ainsi indigné M. Trump. Puis, contre l’avis de Mark Esper, le chef du Pentagone, il décida de rétablir Edward Gallagher dans son grade et de gracier lieutenant Clint Lorance, condamné à 19 ans de prison pour avoir donné l’ordre de tirer sur des civils et le commandant Mathew Golsteyn, poursuivi pour avoir prémédité le meurtre d’un civil afghan soupçonné de fabriquer des bombes artisanales.

Pourtant, la haute hiérarchie militaire avait prévenu M. Trump qu’une grâce présidentielle pour de tels faits était de nature à porter atteinte à l’intégrité du système judiciaire militaire ainsi qu’à la capacité des chefs à garantir l’ordre et la discipline, ainsi que la confiance des alliés et des partenaires des troupes américaines.

Et, pour l’US Navy, la volonté de M. Trump était tout bonnement impensable. D’autant plus que, en juillet, l’amiral Collin Green, le chef du Naval Special Warfare Command, avait un évoqué un « problème d’ordre et de discipline » au sein de ses troupes qui devait « être résolu immédiatement ». Et, le cas Gallagher n’allait évidemment pas aider à le résoudre.

Aussi, et après le voeu exprimé par M. Trump, soit le commmandant en chef des forces américaines, l’US Navy fit part de son intention de priver Edward Gallagher de son trident, c’est à dire l’insigne marquant son appartenance aux Navy Seal.

Mais là encore, la réaction du chef de la Maison Blanche ne se fit pas attendre. « LA NAVY n’enlèvera PAS le trident d’Eddie Gallagher. Cette affaire a été très mal traitée dès le début. Retournez à vos affaires! » tonna-t-il via Twitter.

En retour, le secrétaire à l’US Navy lui répondit qu’un « tweet » ne constituait pas un ordre officiel. Et c’est ce qui, visiblement, vient indirectement de lui coûter son poste. En effet, ce 25 novembre, Richard Spencer a remis sa démission, après avoir été fermement invité par Mark Esper de le faire.

Ce dernier « a demandé la démission du secrétaire à la Navy Richard Spencer après avoir perdu confiance en lui concernant son manque de sincérité sur des conversations avec la Maison-Blanche dans le traitement du cas du Navy Seal Eddie Gallagher », avait fait savoir le Pentagone, via un communiqué. Et d’ajouter que M. Esper était « profondément troublé par ce comportement. »

A priori, et sans passer pa la voie hiérarchique, M. Spencer aurait proposé à la Maison Blanche de plus interférer dans les procédures en cours contre Edward Gallagher si ce dernier prenait sa retraite sans avoir été préalablement exclu des Navy Seal.

Quoi qu’il en soit, la coupe était pleine pour le secrétaire à la Navy. D’autant plus que M. Trump venait encore de « twitter » au sujet du commando en question, assurant qu’il ne serait pas exclu des Seals et qu’il prendrait « tranquillement sa retraite avec tous les honneurs qu’il a mérités. »

« Je ne partage plus la même compréhension que le Commandant en Chef qui m’a nommé, en ce qui concerne les principes fondamentaux du bon ordre et de la discipline. […] Je reconnais par la présente la cessation de mes fonctions comme secrétaire américain à la Marine », a ainsi fait valoir M. Spencer, dans une lettre envoyée aux médias d’outre-Atlantique. « En conscience, je ne pouvais pas obéir à un ordre qui, à mon avis, violait le serment sacré que j’ai prêté de soutenir et de défendre la Constitution, a-t-il ajouté, soulignant que le « respect de l’État de droit est ce qui nous distingue de nos adversaires » et qu’il nous a permis « encore et toujours de l’emporter sur des tyrannies étrangères. »

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