Le commandement de la mission navale européenne dans le Golfe persique s’installera aux Émirats arabes unis

Durant l’été, et après plusieurs incidents à proximité du détroit d’Ormuz [sabotages de pétroliers, drone américain abattu par la défense aérienne iranienne, arraisonnement de navires par l’Iran], la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni indiquèrent travailler à une mission européenne visant à protéger le trafic maritime dans le Golfe arabo-persique. Cette initiative devait se démarquer de l’opération navale alors envisagée par les États-Unis, par ailleurs engagés dans un bras de fer avec Téhéran.

« Nous travaillons à nous organiser entre Européens, mais une chose est sûre : notre comportement ne devra avoir qu’un seul objectif, faire baisser les tensions actuelles et défendre nos intérêts. […] Nous ne voulons pas contribuer à une force qui pourrait être perçue comme aggravant les tensions », avait expliqué Florence Parly, la ministre française des Armées, lors d’un entretien donné à l’Est républicain, en juillet.

Cela étant, l’Iran avait critiqué le principe de cette mission européenne, y voyant un « acte provocateur ».

Depuis, à la faveur du changement de gouvernement à Londres, le Royaume-Uni a finalement rejoint l’opération navale américaine Sentinel. De même que Bahreïn, l’Arabie Saoudite, l’Australie, l’Albanie et les Émirats arabes unis.

Selon l’US CENTCOM [commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, ndlr], cette opération, qui a déjà commencé, vise à « garantir la liberté de navigation et la libre circulation des échanges dans les eaux internationales » dans le Golfe persique, le Golfe d’Oman ainsi que dans les détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb.

Quant à l’initiative européenne, elle peine à démarrer. Fin août, peu avant une réunion avec ses homologues de l’UE à Helsinki, Mme Parly avait confié que les pays volontaires pour y participer se comptaient sur « les doigts d’une main ». Et d’expliquer à nouveau que l’objectif était de « de garantir la libre navigation et la sécurité des navires dans cette région vitale pour le transport des hydrocarbures » car il « serait malencontreux de donner le sentiment que nous nous inscrivons dans l’initiative américaine de sanctions maximales. »

Cela étant, si on ignore le format qu’aura cette mission navale européenne, on sait désormais que son quartier général sera installé aux Émirats arabes unis. L’annonce en a été faite par Mme Parly le 24 novembre, à l’occasion du dixième anniversaire de la base navale française d’Abou Dhabi.

« Nous avons officialisé ce matin [24/11] l’accueil sur le territoire [émirati] du poste de commandement de l’initiative de surveillance maritime prise avec les Européens, en cours de constitution », a en effet confié la ministre à l’AFP. Cette structure compter « une dizaine, voire une quinzaine d’effectifs » afin de « contribuer, nous aussi, à rendre la navigation maritime dans le Golfe la plus sûre possible », a-t-elle ajouté.

Seulement, la date à laquelle ce poste de commandement n’a pas été précisée par la ministre, dans la mesure où les pays volontaires doivent obtenir le feu vert de leurs Parlements avant de confirmer leurs contributions. Une participation de l’Allemagne, par exemple, n’est ainsi pas acquise.

« Une participation à une mission militaire ne relevant d’aucune décision du Conseil de sécurité serait irresponsable », avait ainsi estimé, en juillet, Rolf Mützenich, le chef de file des sociaux-démocrates au Bundestag.

Quoi qu’il en soit, cette initiative européenne « n’est pas du tout séparée, comme j’ai pu l’entendre dire, des États-Unis. Nous allons nous coordonner avec les Américains », a encore rappelé Mme Parly. La veille, elle avait déplore le désengagement des États-Unis du Moyen-Orient, dans un discours prononcé lors de la dernière édition du Manama Dialogue, une conférence sur la sécurité organisée tous les ans à Bahreïn.

« Nous avons assisté à un désengagement progressif et délibéré des Etats-Unis », a en effet affirmé Mme Parly. « Quand l’attaque de navires est restée sans réponse, le drone a été abattu. Lorsque cela est restée à son tour sans réponse, d’importantes installations pétrolières ont été bombardées. Où est-ce que cela s’arrête ? Où sont les stabilisateurs? », a-t-elle ensuite demandé. Et d’ajouter : « La région est habituée au flux et au reflux de l’engagement américain. Mais cette fois, ça semble plus sérieux. »

Cependant, le général Kenneth McKenzie, le chef de l’US CENTCOM, a contesté la vision de Mme Parly, alors que groupe aéronaval américain constitué autour du porte-avions USS Abraham Lincoln vient d’arriver dans le golfe persique et qu’un escadron de F-35A a fait son retour aux Émirats arabes unis.

« Je ne suis pas d’accord avec cette théorie de l’abandon ou de la fuite », a réagi le général McKenzie. Si le Moyen-Orient « n’est probablement pas la plus grande priorité mondiale », a-t-il admis, elle « reste très importante pour les États-Unis ». Ainsi, a-t-il rappelé, « nous avons un porte-avions sur place, nous avons renforcé l’Arabie saoudite, nous avons envoyé d’autres forces. »

Au total, les États-Unis comptent encore environ 60.000 militaires au Moyen-Orient et dispose de plusieurs bases, notamment à Bahreïn [siège de la 5e Flotte de l’US Navy et quartier général de l’opération Sentinel], aux Émirats arabes unis [al-Dhafra] ou encore au Qatar [al-Udeid, la plus importante].

Photo ; Frégate Jean Bart (c) Marine nationale

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