Un tribunal demande à Berlin de vérifier la légalité des frappes réalisées par les drones américains au Yémen
Ces dernières années, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les États-Unis ont multiplié les frappes aériennes au Yémen contre al-Qaïda dans la péninsule arabique [AQPA], laquelle passe pour être probablement la branche la plus dangereuse du réseau fondé par Oussama ben Laden. Pour rappel, c’est cette dernière qui avait revendiqué l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, en janvier 2015, à Paris.
Ces frappes, réalisées par des drones, ont permis d’éliminer de nombreux cadres de cette organisation, dont Anwar al-Aulaqi, l’un de ses responsables les plus influents [son nom fut associé à la fusillade de Fort Hood, en novembre 2009].
Par ailleurs, hormis un soutien à la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite dans les domaines du renseignement et du ravitaillement en vol [soutien qui n’est pas gratuit], les opérations de forces américaines au Yémen concernent uniquement AQPA et la branche locale de l’État islamique [EI]. En clair, elles restent à l’écart des combats opposant les forces gouvernementales yéménites et les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran.
Cela étant, l’organisation Reprieve et le Centre européen des droits constitutionnels et des droits de l’homme [ECCHR] ont saisi le administratif supérieur de Münster pour que soit mis un terme aux frappes aériennes au Yémen réalisées par les forces américaines depuis la base de Ramstein [Rhénanie-Palatinat]. Et cela, à demande de ressortissants yéménites ayant perdu des membres de leurs familles au cours de telles attaques.
Tel est le cas de Faisal bin Ali Jaber, représenté par Reprieve. Ainsi, cet ingénieur aurait perdu son beau-frère et un neveu lors d’une frappe contre une mosquée, en 2012. « Les personnes que vous avez tuées s’étaient fermement et publiquement opposées à al-Qaïda. Salem était un imam. Le vendredi avant sa mort, il a prononcé un sermon dans la mosquée Khashamir, dans lequel il dénonçait l’idéologie odieuse d’al-Qaida. Ce n’était pas le premier de ces sermons, mais c’était le dernier », explique-t-il sur le site de l’association.
Après avoir été débouté une première fois en 2015, Reprieve et l’ECCHR n’ont pas obtenu gain de cause sur ce point précis. Cependant, le tribunal de Münster enjoint le gouvernement allemand de prendre des « mesures appropriées » pour s’assurer que les États-Unis respectent bien le droit international quand ils effectuent des frappes au Yémen, lequelles doivent épargner les civils. Ainsi, les juges ont considéré que l’Allemagne avait une obligation de « protection d’une population », y compris à l’étranger.
En outre, selon eux, il existe des « preuves factuelles évidentes » que les forces américaines utilisent l’équipement technique de la base de Ramstein pour effectuer leurs frappes qui « violent, au moins partiellement, le droit international. »
Normalement, les raids aériens au Yémen sont effectués par des drones MQ-9 Reaper basés à Djibouti. Donc, l’Allemagne n’est pas a priori « pas dans la boucle ». Sauf que ces appareils sont pilotés depuis la base de Creech [Nevada], ce qui supposerait l’existence de dispositifs relayant les signaux depuis la base de Ramstein. D’où l’avis du tribunal administratif de Münster.
« Nous échangeons régulièrement avec nos partenaires américains sur les questions politiques, militaires et juridiques. Cela suppose que les États-Unis respectent le droit allemand dans leurs activités à Ramstein, comme dans toute l’Allemagne », avait préalablement fait valoir le ministère allemand des Affaires étrangères. D’ailleurs, c’est ce que prévoit l’article II de la « Convention entre les Etats parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces. »