L’Otan va revoir son engagement au Kosovo, qui vient de confirmer la création d’une armée « nationale »
Ce 14 décembre, le Parlement kosovar a confirmé la transformation en « armée nationale » de sa force de sécurité du Kosovo [KSF] dont la mission se limite à des tâches relevant de la protection civile et de la gestion de crise.
Selon la loi, qui n’a pas été votée par les députés de la minorité serbe puisqu’ils ont boycotté la séance, cette « armée nationale » sera désormais chargée de veiller à l’intégrité territoriale et de « protéger la propriété et les intérêts de la République du Kosovo, d’apporter un soutien militaire aux autorités civiles en cas de catastrophe, et de participer à des opérations internationales. »
Pour cela, ses effectifs seront portés à 5.000 soldats, auxquels viendront s’ajouter 3.000 réservistes. Le processus de transformation devrait prendre 10 ans, selon les observateurs.
La décision de Pristina est évidemment vue d’un mauvais oeil à Belgrade, qui craint que cette armée nationale puisse être engagée contre la minorité serbe du Kosovo.
En effet, les relations entre la Serbie et son ancienne province sont actuellement houleuses, malgré un dialogue amorcé sous l’égide de l’Union européenne en 2013, notamment en raison d’une « barrière douanière » imposée par les autorités kosovares aux produits venus de Serbie à destination des 120.000 Serbes restés au Kosovo après la guerre de 1998-99 ayant opposé Belgrade aux indépendistes de l’UCK, appuyés par l’Otan.
« Quelqu’un apparemment pousse intentionnellement la Serbie dans un conflit », avait récemment déclaré Aleksandar Vučić, le président serbe. « La Serbie « ne peut et ne veut pas observer sans réagir la destruction du peuple serbe », avait-il insisté. « J’espère que nous n’aurons jamais à utiliser notre armée, mais en ce moment, c’est une des options sur la table car nous ne pouvons pas observer quelqu’un procéder à un nouveau nettoyage ethnique », avait aussi prévenu ana Brnabic, qui dirige le gouvernement serbe.
Cela étant, s’exprimant en serbe, le Premier ministre kosovar, Ramush Haradinaj a assuré que les « Serbes sont des citoyens du Kosovo, ils sont chez eux » et que, par conséquent, ils n’avaient rien à craindre. Mais cela n’a pas convaincu Goran Rakic, l’un des principaux responsables politiques de la minorité serbe. Selon lui, la loi adoptée par le Parlement est un « coup de révolver à la paix ». Et de mettre en garde Pristina contre la tentation d’envoyer ses troupes dans le nord du Kosovo [là où vit la minorité serbe, ndlr], tout en appelant « à la retenue et à ne pas répondre aux provocations. »
Si la création d’une armée kosovare a été soutenue par les États-Unis, ce n’est pas le cas de l’Otan, qui, par la voix de son secrétaire général, Jens Stoltenbeg, a fait part de ses réserves, voire de son opposition. Cette dernière, estime en effet que cette mesure n’est pas opportune en l’état actuel des choses. Qui plus est, elle compte parmi ses membres quatre pays [Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie] qui n’ont toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, proclamée en février 2008.
Par ailleurs, la protection du Kosovo est assurée par la KFOR, une force de l’Otan ayant reçu un mandat des Nations unies dans le cadre de la résolution 1244 adoptée en 1999 par le Conseil de sécurité. Ses effectifs ont culminé à plus de 50.000 militaires en 2000, avant d’être progressivement réduits à un peu plus de 4.000 hommes, dont 235 soldats mis à la disposition de cette force par la Suisse [Swisscoy].
Aussi, après le vote du Parlement kosovar, M. Stoltenberg a déploré la création de cette « armée nationale » et annoncé, en conséquence, un réexamen de l’engagement de l’Otan au Kosovo.
« Je regrette que cette décision ait été prise en dépit des préoccupations exprimées par l’Otan. […] Le Conseil de l’Atlantique Nord va désormais être contraint de réexaminer le niveau d’engagement de l’Otan auprès de la Force de sécurité du Kosovo », a affirmé M. Stoltenberg.
« S’il est vrai qu’il revient en principe au Kosovo de décider de la transformation de la KSF, nous avons indiqué clairement que le moment était mal choisi », a ajouté le secrétaire général de l’Otan. « Toutes les parties doivent veiller à ce que la décision prise aujourd’hui n’exacerbe pas davantage les tensions dans la région », a-t-il prévenu, avant d’appeler « à nouveau Pristina et Belgrade à garder leur calme et à s’abstenir de toute déclaration ou de toute action susceptible d’entraîner une escalade. »
« L’Otan continue de soutenir le dialogue engagé entre Belgrade et Pristina sous les auspices de l’Union européenne et considère qu’il constitue la seule solution politique durable pour la région », a ensuite conclu M. Stoltenberg.
Photo : KFOR – OTAN