Mer d’Azov : Moscou met en garde Kiev contre « tout acte irréfléchi » tandis que l’Otan dit chercher l’apaisement

En 2003, Kiev et Moscou s’était mis d’accord pour garantir la liberté de navigation dans le détroit de Kertch, qui séparant la Crimée de la péninsule russe de Taman, relie la mer Noire à celle d’Azov.

Seulement, l’annexion de la péninsule ukrainienne par la Russie, en mars 2014, a changé la donne, les deux rives de ce détroit étant maintenant sous contrôle russe. Qui plus est, la construction d’un pont chevauchant ce passage n’a pas arrangé la situation. Depuis l’inauguration de cet ouvrage, les gardes-côtes russes, qui relèvent du FSB, multiplient les contrôles de navires commerciaux, ce qui revient de facto à imposer un blocus économique des ports ukrainiens de la mer d’Azov.

En réponse, Kiev a renforcé sa présence militaire dans cette région, avec le déploiement d’unités d’artillerie supplémentaires et l’envoi de trois vedettes de type Gurza-M. Pas de quoi, au niveau naval, remettre en cause la flotte russe de la mer Noire.

Reste que, le 25 novembre, les gardes-côtes russes ont capturé deux vedettes et un remorqueur ukrainien en faisant usage de la force. Pour justifier ces arraisonnements, Moscou a accusé ces navires d’être entrés illégalement dans ses eaux territoriales et dénoncé une « provocation » de Kiev.

Le lendemain, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a qualifié de « très grave » l’utilisation de « la force militaire contre l’Ukraine » par la Russie.

« Tout doit être mis en oeuvre pour éviter que la situation ne devienne plus dangereuse » et Moscou « doit comprendre que ses actions auront des conséquences », a encore averti M. Stoltenberg, avant de rappeler les sanctions économiques infligées par les Alliés à la Russie depuis l’annexion de la Crimée. « Nous cherchons un apaisement des tensions et nous voulons une solution politique négociée », a-t-il insisté. La France et l’Allemagne ont, à ce propos, proposé leurs bons offices pour assurer une médiation.

Par ailleurs, le secrétaire général de l’Otan a indiqué avoir demandé au président ukrainien, Petro Porochenko, de renoncer à déclarer à la loi martiale, comme il en avait l’intention.  »

« J’ai parlé avec le président Porochenko et il m’a assuré que l’instauration de la loi martiale n’aurait aucune incidence pour l’élection présidentielle en Ukraine (prévue fin mars 2019) et pour le fonctionnement démocratique des institutions. C’est important pour l’Otan », a précisé M. Stoltenberg. Pour rappel, l’Ukraine ne fait pas partie de l’Otan.

Effectivement, le Parlement ukrainien a adopté, par 276 voix contre 30, un texte permettant l’instauration de la loi martiale. Cependant, la version adoptée se veut moins « dure » que celle qui était initialement envisagée. En effet, cette mesure d’exception ne durera que 30 jours (au lieu de 60) et elle s’appliquera seulement aux régions frontalières de la Russie, de la Transnistrie [où des forces russes sont présentes], de la Biélorussie [un allié proche de Moscou] et du littoral donnant sur la mer d’Azov.

Devant entrer en vigueur le 28 novembre, cette loi martiale permettra aux autorités ukrainiennes de prendre des dispositions d’exception, comme celles visant à mobiliser les citoyens, réguler les médias et limiter les rassemblements publics dans les régions concernées.

Lors d’une intervention télévisée, M. Porochenko a justifié ces mesures par « la menace extrêmement élevée » d’une offensive terrestre russe, qui viserait la région de Marioupol.

« La Russie est passée à l’étape suivante de son agression et nous avons de sérieuses raisons de penser qu’elle est prête à poursuivre une attaque terrestre », a en effet déclaré M. Porochenko. « La loi martiale ne signifie pas une déclaration de guerre […] ni un retrait du processus diplomatique » des accords de paix de Minsk [qui concernent le Donbass, ndlr], a-t-il encore assuré.

Quant au président russe, Vladimir Poutine, il a dénoncé devant la chancelière allemande, Angela Merkel, des « actions de provocation de la partie ukrainienne et une violation grossière des normes du droit international par ses navires militaires. » Et, selon un communiqué du Kremlin, il a dit aussi espérer que Berlin pourra « influencer » les autorites ukrainiennes afin de les empêcher de commettre « des actes irréfléchis ».

Cela étant, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a répondu que « l’objectif était que la Russie respecte de nouveau le droit international et qu’elle ne viole pas la souveraineté territoriale de ses voisins. » Et « pour que cela advienne, l’Allemagne et ses alliés européens ont besoin de suivre des principes clairs et d’avoir un ‘vrai dialogue’ sur la sécurité commune en Europe », a-t-il estimé.

Président chrétien-démocrate de la commission des Affaires étrangères du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], Norbert Röttgen, s’est dit « très inquiet » devant « le fait que nous avons affaire ici à un nouveau comportement de la Russie, qui recherche son expansion territoriale. » Et d’ajouter : «  Pour le moment, on ne parle pas de durcir les sanctions, mais de façon générale, je ne l’exclus pas. »

Photo : Gardes-côtes russes

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