Le rentrée atmosphérique de la station spatiale chinoise Tiangong-1 est « mystérieuse » pour le CNES

Mise sur orbite en septembre 2011, la station spatiale chinoise Tiangong-1 a commencé à perdre de l’altitude depuis mars 2016, sans que l’on sache vraiment si cette descente vers la Terre était contrôlée ou non par le China Manned Space Engineering Office [CMSEO – l’agence chargée des vols spatiaux, qui dépend du département des armements de l’Armée populaire de libération, ndlr].

En tout cas, certains médias avancèrent cette hypothèse. Laquelle fut confirmée à demi-mots par Wu Ping, la directrice adjointe du CMSEO, lors d’une conférence de presse donnée en septembre 2017.

Un autre élément semblant confirmer cette perte de contrôle est la note officielle adressée par la Chine aux Nations unies, en décembre dernier. Dans ce document, il était précisé que la rentrée atmosphérique de la station Tiangong-1 était prévue entre le 10 février et le 21 mars 2018. Finalement, l’engin s’est désintégré le 2 avril, au-dessus du Pacifique. Ce qui n’aurait pas été le cas si le CEMSEO avait gardé la main.

Alors que la presse spéculait sur son point de chute (alors qu’entre -42 degrés de latitude sud et +42 degrés de latitude nord, il y a de la marge), la station chinoise s’est précisément désintégrée à environ 780 km à l’est de de l’archipel des Samoa… Donc pas si loin du « point Nemo », c’est à dire la  » Zone Océanique Inhabitée du Pacifique Sud », laquelle est la plus éloignée de toute terre émergée (position : 48°52 Sud et 123°23 Ouest). Ce « pôle d’inaccessibilité » est donc utilisé comme « décharge » des engins spatiaux en fin de vie, comme la station MIR en 1999.

D’où l’étonnement de Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d’études spatiales (CNES), lequel a évidemment suivi avec intérêt la trajectoire de la station chinoise.

« Le CNES cherche en effet à assurer la sécurité des satellites qui lui sont confiés – et pour cela il doit connaître la position précise des autres satellites et des débris. L’approche des militaires est liée à leur besoin de connaître la position des satellites adverses. Nos relations avec les armées nous permettent de bénéficier des données des radars de l’armée de l’air et de la DGA [Direction générale de l’armement, ndlr], en particulier du radar de surveillance GRAVES qui offre à la France un certain niveau d’autonomie dans la connaissance de la situation spatiale », a commencé par expliquer M. Le Gall, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 4 avril.

« Le CNES s’est organisé pour avoir une capacité d’analyse permanente. Nous avons un centre d’orbitographie opérationnel (COO) à Toulouse. Nous avons le système d’analyse Caesar qui, sur la base des alertes détectées par les systèmes étrangers, notamment américains, ou par le radar GRAVES, assiste les opérateurs pour calculer et décider les manœuvres qui permettront d’atténuer le risque de collision. Nous travaillons main dans la main avec les militaires pour avoir une vision synthétique des trajectoires des objets, afin d’éviter les collisions de satellites civils et de savoir ce qui se passe », a continué M. Le Gall. Et c’est donc « dans ce cadre que nous avons suivi la manœuvre de Tiangong-1 », a-t-il ajouté.

Or, justement, la trajectoire de la station spatiale chinoise est « mystérieuse » pour le président du CNES.

« Les Chinois nous affirmaient, depuis quatre ans, qu’ils avaient perdu le contrôle de la station. Pour leur rentrée dans l’atmosphère, tous les objets sous contrôle sont orientés vers le point dit ‘Nemo’ dans le Pacifique Sud […]. Et aujourd’hui, on nous explique que cette station chinoise, théoriquement hors de contrôle, est tombée, comme par hasard au point Nemo », s’est étonné M. Le Gall devant les députés.

Or, selon lui, il y avait environ 1 chance sur 100 pour qu’un tel scénario se produise. « Nous avons lancé des investigations et nous saurons peut-être un jour de quoi il retourne. Mais je doute que seul le hasard ait contribué à cette chute appropriée! », a continué le président du CNES. « Cela donne une idée de l’importance de la surveillance de l’espace et de l’intérêt stratégique qu’elle revêt pour un pays comme la France », a-t-il conclu.

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