Selon le GICAT, il est possible de faire gagner 7 ans au programme de modernisation de l’armée de Terre
Le programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) est capital pour l’avenir de l’armée de Terre tout en étant un enjeu industriel majeur dans la mesure où il vise à renouveler une grande partie des véhicules blindés qui, utilisés quotidiennement en opérations, sont pour la plupart à bout de souffle.
Ainsi, il est question de remplacer le Véhicule de l’avant blindé (VAB), qui fête ses 40 ans de service cette année, par le Véhicule blindé multi-rôles (VBMR) « Griffon » ainsi que les chars légers AMX-10RC et ERC-90 Sagaie par l’Engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) « Jaguar ». Viendra ensuite, dans une autre phase, le tour du Véhicule blindé léger (VBL) par le Véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE).
Les premières livraisons, qui commenceront par trois Griffon en 2018, devraient s’étaler sur 15 ans. Or, dans le même temps, l’armée de Terre devra continuer d’utiliser ses anciens véhicules, ce qui coûtera de plus en plus en cher en terme de maintien en condition opérationnelle (MCO).
D’où la proposition pleine de bon sens faite par le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), lors des auditions dédiés au projet de loi de finances pour 2017. Au lieu de dépenser des sommes conséquentes au titre du MCO, pourquoi ne pas accélérer le programme Scorpion, voire pour acquérir davantage de nouveaux véhicules?
« Cela ne devrait pas entraîner de difficulté majeure, puisque c’est le même industriel. Le seul problème qui pourrait se poser est que, en accélérant le processus, l’environnement ne suive pas. C’est mon souci sur le Griffon », avait expliqué le général Bosser.
Et le délégué général pour l’armement, Laurent Collet-Billon, est exactement sur la même ligne. « Il convient de mettre en perspective l’accélération potentielle du programme SCORPION, comprenant d’excellents véhicules que nous parviendrons sans doute à exporter, avec le coût d’entretien des VAB et l’indisponibilité de certains véhicules qui subissent un acharnement thérapeutique », avait-il en effet affirmé.
Seulement, les industriels seraient-ils en mesure de suivre la cadence, comme s’en est inquiété le général Bosser? Pour Stéphane Mayer, président du Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), cela ne devrait pas poser de problèmes insurmontables.
L’armée de Terre « souhaite que le programme soit accéléré afin de raccourcir le délai de livraison, ce qui répondrait à ses besoins opérationnels, lui permettrait de s’équiper plus rapidement et de disposer d’un parc plus homogène, de former rapidement ses personnels, mais aussi de réformer plus tôt des matériels dépassés et coûteux en maintenance », a commencé par rappeler M. Mayer, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
Aussi, après avoir consulté le Groupement momentané d’entreprises (GME) Scorpion ainsi que les « centaines de sous-traitants et PMe impliqués dans ce programme » et « sachant que les capacités installées étaient très supérieures à la cadence d’approvisionnement de l’armée de terre et aux prévisions d’exportations », M. Mayer a fait savoir que les « industriels ont répondu que, sous réserve de commandes et d’une certaine anticipation, l’ensemble des livraisons pourrait être terminé en 2026 plutôt qu’en 2033 ».
Mais cela suppose des conditions. En effet, comme l’a expliqué le président du GICAT, cela suppose « d’achever le développement » et « de commencer la montée en cadence », sachant que cette phase « comporte une mise en route des chaînes assez complexes. » En tout cas, il serait ainsi possible de doubler les cadences afin de raccourcir la durée totale de livraison. Ainsi, jusqu’à 20 Griffon et 4 Jaguar pourraient sortir, chaque mois, des chaînes d’assemblage.
« L’impact sur le coût de MCO serait favorable : Nexter a ainsi estimé que le remplacement d’un AMX 10 RC par un Jaguar fait chuter de 30 % les frais d’entretien ; des gains pourront également être réalisés en matière d’obsolescence : des matériels comprenant un certain contenu civil afin de bénéficier de coûts de production moindres permettent de réaliser des gains supplémentaires s’ils sont livrés plus tôt », a en outre souligné M. Mayer.
Qui plus, l’industrie trouverait son compte à acccélérer le programme Scorpion. « Produire plus d’équipements au même moment est gage d’efficacité industrielle », a estimé le président du GICAT.
Toutefois, il resterait à passer deux obstacles. Le premier, relativement mineur, est que la mise en production des nouveaux blindés ne pourra pas être lancée sans que ces derniers soient qualifiés par la Direction générale de l’armement, ce qui prend toujours du temps. Le second, plus sérieux, est d’ordre budgétaire…
« Si le ministère de la Défense est d’accord et les industriels capables, les mêmes sommes d’argent, diminuées des coûts de MCO, devront être engagées et payées sur une période plus courte. Ce qui soulève évidemment une question d’ordre budgétaire qui reste à résoudre, compte tenu des autres besoins du budget de la Nation en général et de la défense en particulier », a ainsi expliqué M. Mayer. Mais souvent, les économies de bout de chandelle finissent pas coûter cher.