Ceux de 14 (2) : La charge de l’escadron du lieutenant de Gironde

gironde-20141026Le 5 octobre 1914, le sergent Frantz et le caporal Quenault remportèrent la première victoire aérienne de l’histoire de l’aviation en abattant un Aviatik allemand à bord de leur Voisin III. Mais avant eux, d’autres soldats français détruisirent des avions ennemis… mais au sol.

Quand éclate la Première Guerre Mondiale, le lieutenant Gaston de Gironde commande le 2e escadron du 16e Régiment de Dragons (RD). Né en 1879 à Ferrensac (Lot et Garonne), l’officier est issu d’une famille de la vielle noblesse.

Le 31 juillet 1914, le 16e Dragons quitte le quartier « Louvois », où il était installé à Reims, pour rejoindre la région de Sedan. Les première semaines de la guerre sont éprouvantes, aussi bien pour les hommes que pour les chevaux. Marches et contre-marches se succèdent, les contacts avec les troupes adverses sont nombreux et meurtriers. L’armée française est alors en difficulté, elle qui vient de subir, le 22, les plus lourdes pertes de son histoire, avec 27.000 tués, lors de la bataille dite des frontières.

Le 16e Dragons se replie d’abord sur Maubeuge, avec pour tâche de retarder l’ennemi, puis il est fait mouvement vers Paris. La contre-offensive française – qui sera victorieuse – se prépare alors. Le régiment mène alors des combats de harcèlement sur les unités allemandes (Iere Armée) en retraite dans les environs de Villers-Cotteret.

Le 9 septembre, le lieutenant de Gironde reçoit l’ordre d’effectuer une mission de reconnaissance vers Soissons (à l’époque, on parlait de « mission en découverte sur… »). Le 2e escadron, composé des pelotons Kérillis, Gaudin de Villaine, Villelume et Rollin, se met en route sans tarder.

Après une journée de marche, la mission est remplie : les renseignements obtenus par les pelotons envoyés en reconnaissance sont nombreux et de qualité. La nuit approchant, le lieutenant de Gironde prend la décision de rejoindre la région de Nanteuil-le-Haudouin, conformément aux ordres reçus. Et le plus tôt sera le mieux car les dragons ont été surpris par des uhlans, qui se sont ensuite évaporés dans la nature.

Seulement, ce n’était que pour mieux revenir… À la lisière d’un bois, des fantassins allemands attendent les cavaliers français. Les coups de feu partent. L’escadron de Gironde change alors ses plans… et sa route. Seulement, le chemin à prendre n’est pas le plus facile, alors que les chevaux et les hommes sont fourbus.

Finalement, les dragons réussissent à atteindre le plateau de Mortefontaine. Là, ils découvrent la ferme « Vaubéron », isolée. Le lieutenant de Gironde décide d’y faire une halte. C’est alors qu’un valet d’écurie vient le trouver pour lui dire que, non loin de là, se trouvent des avions et des véhicules allemands. L’occasion est alors trop belle!

Malgré la fatigue du jour, la décision est prise : le 2e escadron, coupé des lignes françaises, lancera un raid sans tarder. Deux pelotons (Villelume et de Kérillis) attaqueront par surprise à pied pendant qu’un autre, à cheval (de Villaine) poursuivra les éventuels fuyard. Celui du lieutenant Rollin est placé en réserve.

C’est ainsi que les dragons vont attaquer. Une sentinelle ayant entendu un bruit ou aperçu un cavalier français – les hommes du lieutenant de Kerillis ayant dû ramper dans les herbes – les premiers coups de feu éclatent. La panique saisit alors alors les Allemands, qui finissent par se reprendre pour organiser la riposte. Trop tard : le peloton Vilaine charge.

Malheureusement, le lieutenant de Gironde qui l’accompagnait tombe, mortellement blessé par le tir de mitrailleuses. Il a cependant le temps de confier le commandement au lieutenant de Kerillis. Le combat est féroce, il se livre au corps à corps. Les dragons détruisent les 8 Aviatik présents à coup de hâche, quand ils n’y mettent pas feu.

Le commandant de cette escadrille détruite au sol réussit toutefois à tuer plusieurs cavaliers français et à blesser le lieutenant de Kerillis, qui aura la vie sauve grâce au sacrifice d’un de ses hommes (le cavalier Cossenet).

Des renforts adverses ayant été dépêchés sur place, les dragons, à court de munitions, sont obligés de décrocher et de se replier sur ferme du plateau de Hautefontaine. Il ne reste plus que 27 survivants, dont 8 blessés, sur la soixantaine de cavaliers du 2e escadron, cernés de toutes parts par les troupes allemandes. Le lieutenant de Villaine a été tué. Détruire les Aviatik aura été comme s’attaquer à un nid de frelons!.

Soigné par un abbé à Montigny-Lengrain, le lieutenant de Kerillis est ensuite hébergé chez un fermier. Pas de chance, la ferme est alors réquisitionnée par les Allemands. Pendant 3 jours, l’officier va les côtoyer (il passe alors pour un tuberculeux) et obtenir auprès d’eux de précieux renseignements qu’il fera passer à l’état-major par l’entremise du curé. Le 13 septembre, le village est libéré… Et il continuera la guerre… dans l’aviation et commandera l’escadrille C 66.

Quant aux autres dragons, certains ont troqué leur uniforme pour des habits civils donnés par des villageois afin de passer aux travers des lignes ennemis. Mais deux officiers refuseront ce subterfuge : les lieutenants Ronin et Villelume. Ces derniers, a écrit le comte Arnaud Doria, dans son récit de cette charge, « ne purent se résoudre à quitter leur uniforme, préférant mourir en combattant à visage découvert, plutôt que de devoir la vie sauve à un déguisement grossier ». Découverts par l’ennemi, ils ont dû se résoudre à se rendre pour éviter que les propriétaires de la cave où ils s’étaient cachés ne soient fusillés.

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