La Turquie se fait tirer l’oreille pour permettre à la coalition d’utiliser ses bases aériennes (MàJ)

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Alors que Kobané, une ville kurde syrienne, résiste héroïquement face aux assauts de l’État islamique (EI ou Daesh), l’attitude de la Turquie fait l’objet de sévères critiques. Le 10 octobre, Staffan De Mistura, l’émission des Nations unies pour la Syrie, a appelé Ankara « à autoriser le flot de volontaires à entrer dans la ville pour soutenir son action d’autodéfense ». Au moins 700 civils y sont piégés par les combats (10.000 à 13.000 sont coincés du côté syrien de la frontière) et le pire est à craindre si jamais les jihadistes prennent définitivement le dessus.

Pourtant, les forces turques ont été autorisées à intervenir depuis le vote du Parlement du 2 octobre dernier. Ses chars sont à une portée de canon de Kobané, et donc, des positions jihadistes.

Que le gouvernement turc refuse de porter seul le poids d’une opération terrestre peut se comprendre : les pays qui forment la coalition emmenée par les États-Unis sont réticents à engager des troupes au sol. En revanche, qu’il ne fasse pas le minimum, qui serait de laisser passer les combattants kurdes volontaires et des armes vers Kobané, et cela malgré les pressions occidentales, suscite de l’exaspération, d’autant plus qu’Ankara est accusée d’avoir fait preuve de bienveillance (si ce n’est plus) à l’égard des jihadistes, dans la mesure où ils combattent le régime de Bachar el-Assad.

Cette attitude est donc critiquée au sein de l’Otan, dont la Turquie est membre, mais aussi par les militants kurdes, dont ceux du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui, en lutte contre Anakara depuis les années 1980, a menacé de mettre un terme aux pourparlers de paix et de reprendre les armes.

« Nous avons averti la Turquie. Si elle continue dans cette voie, nous reprendrons notre guérilla pour défendre notre peuple’, a ainsi prévenu Cemil Bayik, un membre fondateur de cette organisation.

Pour Ankara, la seule chose envisageable serait de créer une zone tampon le long de la frontière afin d’accueillir les réfugiés. Et cela implique l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. Si Paris a dit soutenir une telle initiative, il en hors de question pour les États-Unis. Et cela pour 3 raisons : le coût (il est question d’un milliard de dollars par mois), la nécessité d’engager des forces terrestres et les arrières pensées des autorités turques qui ne veulent pas voir l’émergence d’une zone autonome kurde près de son territoire.

Cela étant, le gouvernement turc aurait lâché un peu de lest, en autorisant, le 12 octobre, les États-Unis (et donc la coalition) à utiliser ses bases aériennes, en particulier celle d’Incirlik, dans le sud, pour mener des frappes contre l’EI. Du moins si l’on en croit un responsable du Pentagone cité par l’AFP. « Les détails de l’utilisation (des bases turques pour la lutte contre l’EI, ndlr) sont toujours en cours d’élaboration », a-t-il ajouté,.

Pour rappel, l’US Air Force dispose déjà d’un détachement relativement important sur la base d’Incirlik, avec le 39th Air Base Wing.

Jusqu’à présent, les avions de la coalition, et plus particulièrement ceux de l’aviation américaine, utilisent les bases aériennes d’al-Dhafra (Émirats arabes unis, c’est notamment le cas des appareils français), d’Ali al-Salem (Koweït) et d’al-Udeid (Qatar). En outre, les États-Unis ont déployé le porte-avions USS George H. Bush dans le golfe arabo-persique. Les F-16 néerlandais et belges ont été envoyés en Jordanie. Enfin, la base de Diego Garcia, dans l’océan Indien, sert aux bombardiers stratégiques B-1, B-52 et B-2 (seuls les premiers ont, semble-t-il, été utilisés contre l’EI).

Seulement, quelques heures plus tard, une source gouvernementale turque a démenti une telle autorisation. « La Turquie n’a pas conclu de nouvel accord avec les Etats-Unis autorisant l’accès de ses bases aux avions de la coalition internationale qui mènent des frappes contre des cibles des jihadistes en Syrie et en Irak », a-t-elle affirmé, selon l’AFP. « Il n’y a pas de nouvel accord avec les Etats-Unis à propos de la base aérienne d’Incirlik », a-t-elle ajouté

« Notre position est claire, il n’y a pas de nouvel accord », a encore insisté cette source gouvernementale, pour qui l’aviation américaine n’est pour le moment autorisée à utiliser la base d’Incirlik que pour des missions logistiques ou humanitaires. « Les négociations continuent sur la base des conditions déjà posées par la Turquie », a-t-elle poursuivi. En clair, Ankara cherche à obtenir gain de cause sur cette zone tampon… Quitte à se laver les mains du sort des Kurdes de Kobané…

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