Le niveau en mathématiques et en physique des recrues de la Force océanique stratégique « décroît »
L’amiral Charles-Eoduard de Coriolis, le commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST), a le sens de la formule. Invité, avec l’amiral Bernard Rogel, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), à s’exprimer devant la commission de la Défense et des Forces armées dans le cadre de ses débats sur la dissuasion, l’officier a fait part de ses difficultés en matière de gestion des ressources humaines.
Pour mettre en oeuvre des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qu’il a comparé à « base spatiale de Kourou, en plongée, propulsée par une centrale nucléaire », l’amiral de Coriolis a rappelé qu’il avait besoin d’experts étant donné que « sont localisées au même endroit trois technologies à haute complexité ».
« La Marine les recrute, les sélectionne, les forme ensuite en plusieurs étapes : électricien-mécanicien, atomicien », a-t-il poursuivi. Seulement, il a fait un constat quelque peu gênant… « J’observe un niveau en mathématiques et en physique à l’entrée qui décroît et qui nécessite une formation plus poussée de notre part », a en effet affirmé l’ALFOST.
« Sur un équipage de 110 personnes, nous avons une vingtaine d’atomiciens. Chaque cas est unique et fait l’objet du plus grand suivi de notre part pour qu’il aille au bout du cursus. Chacun fait une carrière de 17 à 19 ans, avec 20 000 heures de plongée en moyenne avant de vouloir arrêter de naviguer, à un moment où la pression familiale est plus forte », a encore expliqué l’amiral de Coriolis, qui a aussi à « composer avec une génération ‘e-connectée’ qui doit accepter de se déconnecter pendant les soixante-dix jours de sa mission ».
Répondant aux questions des députés de la commission, l’amiral de Coriolis a en outre indiqué que « la formation est naturellement une préoccupation constante, le défi étant de l’adapter et de l’optimiser tout en assurant le nombre de paliers nécessaires auquel veille scrupuleusement le délégué à la sûreté nucléaire de défense ». Et d’ajouter : « L’aspect masse critique des ressources humaines est intéressant : si la FOST compte 2 400 personnes, elle ne comprend que 180 experts atomiciens sur lesquels repose la sécurité de mise en œuvre des sous-marins à la mer. Cela fonctionne dans le format actuel mais cela ne serait peut-être pas le cas demain si la partie entraînement devait être réduite ».
Mais la petite phrase sur le niveau jugé insuffisant en mathématiques et en physique des recrues de la Fost a fait réagir le député UMP François Cornut-Gentille, qui suit toujours les affaires de défense de près depuis la commission des Finances où il siège depuis 2012.
« Le propos ne manque pas de surprendre. En effet, le ministère de la défense a la tutelle sur 4 écoles d’ingénieurs dont Polytechnique réputées pour leur niveau en mathématiques et en physique. Manifestement, la dissuasion n’est pas la priorité. Or, sur un équipage de 110 personnes, on compte une vingtaine d’atomiciens. Le recrutement est donc hautement stratégique. Toute défaillance ou indisponibilité de ces spécialistes peut mettre en péril la dissuasion française », a-t-il estimé sur son site Internet.
Recruter des experts est une chose. Les garder au sein de l’institution en est une autre… Comme l’a souligné l’amiral Rogel, « en matière de ressources humaines, mon problème réside aujourd’hui plus en la fidélisation de mon personnel qu’en son départ et sa reconversion ».
« Les sous-marin, a-t-il expliqué, sont une base spatiale propulsée par une centrale nucléaire et aucun de ces deux secteurs n’est en crise dans le privé, qui a beaucoup d’appétence pour les spécialistes issus de la marine. Il convient donc de leur offrir des conditions de vie et rémunération au moins égales à ce qu’ils pourraient trouver dans le civil ».
Ce qu’a confirmé l’amiral de Coriolis. « J’isole trois éléments en matière de fidélisation du personnel : la mission ; la formation, très recherchée par les entreprises civiles, qui savent ce que valent nos atomiciens, à telle enseigne que la direction du personnel de la marine, sous les ordres de l’amiral Rogel, a dû passer des conventions avec les acteurs civils pour éviter que nos personnels soient débauchés prématurément ; et, en dernier lieu, les avantages financiers ». Ces derniers, a-t-il précisé, « portent moins sur les primes, qui ont peu évolué depuis vingt ans, que sur le calcul des annuités accordées au nombre de trois pour une année à la mer et représente une incitation forte en matière de pension ».