La radiation du commandant Matelly fait des vagues

Le mois dernier, le commandant Jean-Hugues Matelly a été radié des cadres de la gendarmerie pour avoir manqué à son devoir de réserve. En effet, Il lui a été reproché de s’être publiquement opposé au rattachement de son institution au ministère de l’Intérieur et, par conséquent, à son rapprochement avec la Police nationale, en publiant un article sur le site Rue89 en mettant en avant sa qualité de chercheur du CNRS.

Seulement voilà, cette affaire disciplinaire a pris une ampleur politique. Ainsi, deux sénateurs socialistes, Didier Boulaud et Jean-Louis Carrère, ont indiqué vouloir entendre Brice Hortefeux et Hervé Morin, respectivement ministres de l’Intérieur et de la Défense, au sujet de la décision concernant le commandant Matelly.

« Cette inhabituelle sanction prise par un décret – non publié au Journal Officiel – du président de la République, mérite des explications face à la représentation parlementaire » ont affirmé les deux élus, la semaine passée, dans une lettre, dans laquelle ils ont rappelé la position de leur parti à l’égard de ce qu’ils appellent le « rapprochement-fusion » entre la gendarmerie et la police.

Ce à quoi le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, Josselin de Rohan (UMP) n’a pas donné suite. « Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à notre commission, de nous prononcer sur une décision disciplinaire à caractère individuel qui relève de la seule responsabilité du pouvoir exécutif » a-t-il fait valoir.

Autre mouvement politique à s’émouvoir du sort du commandant Matelly : le Front national. Pour ce dernier, le commandant Matelly est « victime d’une sanction rarissime, adressée comme un avertissement à une profession au bord de l’explosion ».

Dans un communiqué diffusé le 31 mars, la vice-président du FN, Marine Le Pen, « soutient sans réserve » l’officier radié qui « avait eu le grand tort d’exprimer sur le rapprochement police-gendarmerie une opinion qui avait déplu au pouvoir sarkozyste ». Et de poursuivre sur le même ton : « Comme le redoutent de nombreux gendarmes, la sortie du giron du ministère de la Défense laisse inévitablement penser que sont menacés à moyen terme le statut militaire des gendarmes et l’existence même de la gendarmerie française ».

Quoi qu’il en soit, il semble qu’il y ait un certain malaise au sein de la gendarmerie, le quotidien Le Monde allant même jusqu’à évoquer un « ressentiment » des gendarmes « vis-à-vis de l’exécutif », dans un article publié le 26 mars dernier.

Et la dernière affaire en date en est sans doute l’illustration. En effet, un gendarme, l’adjudant Arnaud Chadelat, de la brigade de Mehun-sur-Yèvre, dans le Cher, vient d’être suspendu pour avoir diffusé, via le forum Gendarmes & Citoyens et l’ADEFDROMIL, un poème intitulé « Il pleut sur nos képis ».

Autant le dire, ce sous-officier n’y va pas de main morte. « L’un des nôtres (ndlr: le commandant Matelly) osa parler sans démériter / se faisant ainsi le râle de notre douleur… / Il fut vite éliminé par ces fossoyeurs / Aujourd’hui, sainte Geneviève (ndlr: la sainte-patronne des gendarmes) saigne et pleure / Je sens bien ses larmes chaudes sous mon képi / Comme si sur moi Sarkozy faisait son pipi. » Et de conclure : « Nous briserons nos armes, mais nous taire « Pas question! », « Nous n’irons au sépulcre qu’après avoir tout dit ».

Pour la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), les écrits de cet adjudant sont « outrageants, pour sa hiérarchie et pour le président de la République ». D’où la décision prise à son encontre, motivée par le manquement au devoir de réserve auquel il est tenu de par le Statut général des militaires.

Par ailleurs, une autre initiative, au goût plus douteux, assimile le président Sarkozy à Adolf Hitler, dans une parodie du film « La Chute », qui raconte la fin du dictateur nazi en 1945. Cependant, ce pastiche, dont le titre est « Réunion d’urgence à l’Elysée sur la Gendarmerie » ne serait pas l’oeuvre d’un militaire, selon la DGGN. En tout les cas, il suscite bon nombre de commentaires, plutôt défavorables à la politique gouvernementale.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]