Sécurité alimentaire : Pour le chef d’état-major américain, forcer le blocus du port d’Odessa serait trop risqué

Avec le blocus qu’elle impose au port d’Odessa, la Russie dispose d’un atout maître de son jeu puisqu’elle empêche l’Ukraine d’exporter les 15 à 20 millions de tonnes de blé qu’elle a en stock par la voie maritime, qui est, de loin, la plus pratique. N’ayant plus de débouché en Europe pour écouler ses céréales, Moscou entend réserver ses récoltes aux pays « amis », c’est à dire ceux qui ne sont pas associés aux sanctions visant son économie.

Au-delà de l’inflation que cette situation provoque [le prix de la tonne de blé a pratiquement doublé sur le marché Euronext, ndlr], il y a désormais un risque de pénuries alimentaires, le blé étant l’aliment de base dans de nombreux pays, la Russie et l’Ukraine représentant à eux deux près du tiers des exportations mondiales de cette céréales. Et c’est sans compter aussi les difficultés d’approvisionnement en engrais. Difficultés susceptibles de réduire les rendements agricoles…

La nourriture peut également être une « arme silencieuse », a d’ailleurs fait valoir Dmitri Medvedev, l’actuel vice-président du Conseil de sécurité de Russie. Et cette arme prend les responsables occidentaux au dépourvu. Pour autant, il n’est pas question de lever les sanctions infligées à Moscou pour son invasion de l’Ukraine, alors que, justement, les autorités russes en font un préalable pour lâcher du lest…

La semaine passée, la Lituanie a proposé de mettre en place une « coalition navale internatioale » pour briser le blocus du port d’Odessa et escorter les navires commerciaux chargés de blé ukrainien. Et si possible rapidement étant donné que la prochaine récolte arrive…

Ancien commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], l’amiral américauin James Stavridis s’est dit favorable à une telle idée, en établissant un parallèle avec l’action menée par l’US Navy dans les années 1980 afin sécuriser les exportations de pétrole depuis le golfe Persique, au milieu des tensions avec l’Iran.

Seulement, le chef d’état-major interarmées américain, le général Mark Milley, n’est pas favorable à une telle opération, même conduite sous la bannière des Nations unies. « Actuellement, les voies maritimes sont bloquées par des mines [mouillées par les forces ukraniennes pour empêcher tout débarquement dans le secteur d’Odessa] et la marine russe » et « pour ouvrir ces voies maritimes, cela nécessiterait un effort militaire très important de la part d’un pays ou d’un groupe de pays », a-t-il dit à son arrivée au Royaume-Uni, le 31 mai.

Une telle entreprise doit être « basée sur le coût, le risque, les bénéfices et les probabilités de succès. [Or], je dois dire que ce serait une opération militaire à haut risque, qui exigerait un effort important », a insisté le général Milley. D’autant plus que le président américain, Joe Biden, a le souci d’éviter tout risque de confrontation avec les forces russes.

Le même jour, le président français, Emmanuel Macron, a dit avoir proposé à son homologue russe, Vladimir Poutine, le vote d’une résolution à l’ONU visant à lever le blocus russe du port d’Odessa.

« J’ai proposé, dans la discussion que nous avons eue avec [le chancelier allemand] Olaf Scholz samedi dernier [28 mai], au président Poutine que nous prenions l’initiative d’une résolution aux Nations unies pour donner un cadre très clair à cette opération », a déclaré M. Macron, à l’issue du dernier Conseil européen organisé à Bruxelles.

« La décision dépend d’un accord de la Russie et des garanties qu’elle apporte : face au déminage [du port d’Odessa] qui est indispensable pour que les vraquiers et bateaux puissent être acheminés et prendre ces céréales, [il faut] des garanties de sécurité apportées aux Ukrainiens pour éviter qu’ils ne soient attaqués », a ensuite développé le président français. L’Ukraine a besoin de « garanties légitimes de sécurité, c’est le cadre des Nations unies qui nous permettra de le faire », a-t-il continué, avant de souligner le « rôle très important de la Turquie, compte tenu de sa responsabilité dans la mer Noire [via la convention de Montreux, ndlr] » et de ses relations avec Moscou et Kiev.

En attendant, les seules solutions possibles passent par la route et les voies ferrées. Mais, compte tenu de l’ampleur des moyens à mobiliser, elles paraissent très compliqué à mettre en oeuvre, en plus d’être coûteuses. Au mieux, selon un responsable européen cité par l’AFP, elles permettraient de transporter seulement un tiers des stocks de blé ukrainiens.

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