Moscou veut le retrait des forces de l’Otan présentes en Roumanie… où Paris prévoit d’envoyer un groupement tactique

Lors du sommet de Varsovie, en 2016, les membres de l’Otan décidèrent d’établir une « présence avancée réhaussée » [eFP] dans les États baltes et la Pologne ainsi qu’une « présence avancée adaptée » dans le sud-est de l’Europe, et notamment en Roumanie. Il s’agissait alors de prendre des mesures de « réassurance » au profit des pays s’estimant menacés par la Russie, qui, deux ans plus tôt, avait arraché la Crimée de l’Ukraine, en dépit du mémorandum de Budapest [1994] et l’accord « d’amitié » signé par Moscou et Kiev en 1997.

Depuis, la Roumanie accueille un quartier général de brigade multinationale [à Craiova], qui est venu s’ajouter au site AEGIS Ashore de Deveselu, lequel est un élément, avec ses missiles intercepteurs SM-3 Block IIA, de la défense antimissile de l’Otan. En outre, les Alliés envoient régulièrement des avions de combat dans la région, afin de renforcer les moyens de police du ciel des forces roumaines et bulgares. Enfin, les déploiements de navires en mer Noire se sont plus fréquents. De même que les exercices.

En décembre, et alors que la Russie continuait d’accentuer sa pression militaire sur l’Ukraine et venait de préciser les garanties « juridiques » sur sa sécurité qu’elle entendait obtenir des États-Unis et de leurs alliés européens, il fut rapporté que le général Todd Wolters, le commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], venait de proposer le renforcement de la posture de l’Otan en Roumanie et en Bulgarie, sur le même modèle que celle mise en place pour les pays baltes et la Pologne.

Visiblement, ce projet a depuis avancé, alors que les mouvements de troupes russes aux abords de l’Ukraine s’intensifient et que les discussions entre la Russie, les États-Unis et l’Otan n’ont rien donné. En effet, lors de ses voeux aux Armées, le 19 janvier, le président Macron a fait savoir que la France était prête à « prendre toutes [ses] responsabilités dans des missions de type eFP, en particulier en Roumanie, si elles étaient décidé ». A priori, le conditionnel n’était sans doute pas nécessaire.

« Je salue chaleureusement l’annonce du président Emmanuel Macron sur la disponibilité de la France de participer à la présence militaire avancée de l’OTAN en Roumanie. Le partenariat stratégique entre la Roumanie et la France sera ainsi renforcé sur le flanc oriental, dans la région de la Mer Noire », a en effet réagi le président roumain, Klaus Iohannis.

Présentant, à son tour, ses voeux aux militaires et aux personnels civils de la Défense, la ministre des Armées, Florence Parly, n’a pas évoqué cette possible participation française à cette nouvelle mission de l’Otan qui se dessine au conditionnel. En effet, elle a parlé d’une « posture de fermeté à laquelle nous contribuons en déployant des moyens en Roumanie, en lien avec nos Alliés, comme l’a indiqué le président de la République hier [le 19/01], et comme nous le faisons aussi vis-à-vis des États baltes », où l’armée de Terre a déployé un sous-groupement tactique interarmes [S/GTIA] sous commandement britannique, en Estonie.

Évidemment, un renforcement du flanc oriental de l’Otan est vu d’un très mauvais oeil par la Russie, d’autant plus que, parmi les garanties de sécurité qu’elle exige, il est demandé aux Alliés de « ne pas déployer de militaires et d’armements supplémentaires en dehors des pays dans lesquels ils se trouvaient en mai 1997 » [soit avant l’adhésion à l’Alliance des pays ayant fait partie du Pacte de Varsovie, ndlr], sauf « cas exceptionnels » et avec son « accord ».

Ce 21 janvier, répondant à une question écrite, la diplomatie russe a enfoncé le clou, en citant, en particulier, les cas de la Roumanie et de la Bulgarie. « Il n’y a pas d’ambiguïté », a-t-elle soutenu.

De l’ambiguïté, Mme Parly en voit pourtant dans l’attitude de Moscou.

« À l’Est de l’Europe, nous voyons un niveau de tensions rarement atteint depuis la fin de la Guerre froide. La Russie adopte une rhétorique agressive et, par ses actions, elle cultive l’ambiguïté stratégique pour mieux contraindre ses voisins – l’Ukraine au premier chef mais aussi le reste de l’Europe. Dans ce contexte, c’est notre sécurité et la stabilité de notre continent qui sont en jeu. Il est donc essentiel que nous autres Européens, nous fassions entendre notre voix », a en effet estimé Mme Parly.

Comme le disait le cardinal de Retz, qui savait de quoi il en retournait, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ». Toute la question est de savoir si la Russie prendra le risque de sortir de la sienne.

Photo : Force aérienne roumaine

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