L’Australie torpille le français Naval Group en optant finalement pour des sous-marins à propulsion nucléaire

Depuis qu’il a remporté l’appel d’offres visant à livrer douze sous-marins à la Royal Australian Navy [RAN] basés sur le Shortfin Barracuda [une déclinaison du sous-marin nucléaire d’attaque Suffren… mais à propulsion « classique »], le constructeur naval français Naval Group doit faire face à une campagne médiatique et politique hostile, certains groupes d’intérêts remettant en cause le choix du gouvernement australien.

Par exemple, l’un de ces groupes de pression créé par l’homme d’affaires Gary Johnston, a constamment critiqué le contrat attribué à Naval Group. Se faisant l’avocat de « citoyens australiens préoccupés par le Future Submarine Program », il plaide ainsi en faveur d’un « plan B », passant par une solution « intérimaire » reposant sur l’achat de sous-marins auprès du suédois Kockums afin de doter ultérieuement la marine australienne de sous-marins nucléaires d’attaque.

« Si le gouvernement veut continuer à déployer des sous-marins […] aux côtés de l’US Navy, le devoir de vigilance de la nation envers les hommes et les femmes dévoués des forces de défense australienne implique que nous devons entamer le long et difficile processus d’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire », fait-il valoir.

Et devant les difficultés inhérentes à un programme tel que celui confié à Naval Group [d’autant plus que des questions de transferts de technologies et de charges industrielles sont à régler], une partie de la presse australienne a fait ses choux gras des critiques sur la gestion du « Future Submarine Program », dont le coût a été évalué à 50 milliards d’euros [sur 50 ans, ndlr]. À noter que l’américain Lockheed-Martin a également été choisi pour livrer les systèmes de combat des futurs navires de la RAN.

Lors d’une audition au Sénat, en février 2020, Hervé Guillou, alors Pdg de Naval Group, avait dénoncé des attaques « médiatiques à charge », relayées par « un certain nombre de médias qui ne nous veulent pas que du bien ». Cependant, le gouvernement australien avait jusqu’alors toujours pris le parti de l’industriel français. Comme encore le 30 août dernier.

Ainsi, à l’issue d’une rencontre au format 2+2, c’est à dire réunissant les ministres des Affaires étrangères ainsi que ceux de la Défense des deux pays, la France et l’Australie ont pris l’engagement mutuel de « renforcer la coopération capacitaire et industrielle » tout en soulignant « l’importance du programme des futurs sous-marins ». Et la signature de la phase « Core Work Scope 2 » du contrat confié à Naval Group semblait alors sur de bons rails.

On pouvait s’interroger sur les motivations de ces campagnes « malveillantes » contre Naval Group en Australie… Une réponse vient sans doute d’être donnée par la presse australienne, ce 14 septembre.

Ainsi, selon cette dernière, le Premier ministre australien, Scott Morrison devrait annoncer, incessamment sous peu, l’abandon du contrat attribué à Naval Group au profit de l’acquisition de sous-marins nucléaires d’attaque, dans le cadre d’une étroite coopération avec les États-Unis et le Royaume-Uni.

D’après le site Politico, il serait ainsi question de mettre en place un groupe de travail qui, appelé « AUUKUS », visera à faciliter le partage d’informations sur l’intelligence artificuelle, le cyber, les sous-marins et les capacités de frappe à longue distance.

L’une des raisons avancées pour expliquer ce coup de théâtre est que l’Australie doit s’adapter à l’évolution de la situation géostratégique [comprendre : au développement des capacités chinoises, ndlr]. La chaîne australienne ABC a avancé que ce programme destiné à la RAN serait supervisé par l’ex-amiral américain William Hilarides. Et d’ajouter que, ce 14 septembre, M. Morrison aurait vainement tenté de contacter M. Macron pour faire part de cette nouvelle donne.

Reste que la décision de Canberra ne manque pas de défis à la fois politiques [la propulsion nucléaire des sous-marins était jusqu’alors exclue pour cette raison] et technologiques, l’Australie ne possédant pas d’industrie nucléaire.

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