Dissuasion : Avec l’Esterel, les Forces aériennes stratégiques vont gagner un escadron

Actuellement, l’Escadron de transport 3/60 Esterel est engagé dans l’opération APAGAN, qui vise à évacuer les ressortissants français et les civils afghans potentiellement menacés par les talibans depuis que Kaboul est sous le contrôle de ces derniers. Cette unité est habituée aux missions de ce genre. Mais ce ne sont évidemment pas les seules. En temps normal, elle est surtout sollicitée pour le transport des militaires lors des relèves sur les théâtres extérieurs ou encore pour l’acheminement de l’aide humanitaire lors de catastrophes naturelles. En moyenne, elle assure 450 vols par an, ce qui fait qu’elle a une activité quasi-permanente.

L’histoire de l’Esterel est liée à celle de la dissuasion française. En effet, dans le cadre d’une réorganisation du Groupe de liaisons aériennes ministérielles [GLAM], sa création fut décidée en 1968, sur la base aérienne 107 de Villacoublay, afin d’assurer les liaisons entre la Métropole et le centre d’essais nucléaires de Mururoa, en Polynésie française, avec un avion long-courrier de type DC-8 opérant depuis l’aéroport du Bourget.

Outre les vols effectués au profit de la Direction du centre d’essais nucléaires [DIRCEN], dont les besoins, sans cesse croissants, conduiront à l’acquisition de DC-8 supplémentaires, l’escadron se voit également confier des missions pour le compte des différentes armées, alors coordonnées par le Bureau de transports mer air et surface [BTMAS] ainsi que pour celui de la présidence de la République et du gouvernement. Mission reprise en grande partie, depuis, par l’ET 60.

Dans les années 1990, l’escadron Esterel connaît de profonds changements. D’abord avec la mise en service des premiers Airbus A310, qu’il est le premier à mettre en oeuvre. Puis avec la fin des essais nucléaires à Mururoa, ce qui réorientera ses missions vers celles qu’il assure encore aujourd’hui, et son déménagement sur la base aérienne 110 de Creil.

Près de trente ans plus tard, l’Esterel va de nouveau connaître des changements significatifs. Ayant reçu deux des trois Airbus A330 qui, commandés en 2020 dans le cadre du plan de soutien à la filière aéronautique, seront transformés en avions ravitailleurs « Phénix » [MRTT], l’escadron va rejoindre les Forces aériennes stratégiques [FAS] et, donc l’escadron 1/31 Bretagne, à compter du 1er septembre prochain. Ce qui suppose également son transfert de Creil vers Istres, où il sera rattaché à la 31e Escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégiques [EARTS].

« La transition va se faire en deux temps, du Commandement des forces aériennes [CFA] vers le CFAS [Commandement des forces aériennes stratégiques, ndlr]. Dans un premier temps, il s’agira d’un transfert en l’état. L’Esterel va alors passer sous commandement des FAS sans aucun changement géographique. L’état-major du CFAS assurera la gestion du personnel, la partie financière, le suivi des formations, l’organisation ou encore l’optimisation du planning des missions de transport stratégique », explique le colonel « Olivier », adjoint au commandant de la brigade de soutien à l’activité des FAS, dans le dernier numéro d’Air Actualités.

L’Esterel prendra donc ses quartiers sur la BA 125 d’Istres en 2023, avec au moins deux A330, ses A310 devant être retirés du service d’ici la fin 2021. D’ici deux ans, la base bucco-rhodanienne est appelée à devenir la principale escale opérationnelle des armées [formant ainsi un « hub »] et supplantera ainsi l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, avec plus de 100’000 passagers militaires en transit attendus chaque année.

Cependant, ce passage sous l’autorité des FAS va exiger un gros effort d’adaptation pour les équipages de l’Esterel. Certains de ses pilotes sont déjà en formation au sein de l’Escadron de transformation Phénix « Landes », créé en septembre 2020 au sein de la 31e EARTS.

En effet, un A330 « civil » n’a absolument rien à avoir avec un Phénix, si ce n’est l’apparence. « Les Phénix est un A330 blanc auquel ont été ajoutés énormément de systèmes militaires. Le travail en équipage dans le cockpit se fait désormais à trois au lieu de deux, car nous avons un opérateur en charge du ravitaillement en vol. Il y a également tout l’aspect liaisons de données avec la L16. C’est une plus-value énorme. C’est un avion qui est, avant tout, fait pour la guerre et pour la dissuasion nucléaire par rapport à l’A330-200 », souligne un ancien pilote de l’Esterel, désormais affecté à l’escadron « Landes ».

Cependant, précise le commandant de l’Esterel, « pour le moment, il s’agit uniquement de les former aux différences du système. C’est à dire que les pilotes de l’Esterel, une fois formés, sont aptes à faire voler un Phénix, mais uniquement dans le coeur de métier qui est le leur : le transport stratégique. La formation au ravitaillement en vol n’est pas encore prévue ».

Pour rappel, selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, il est prévu de doter l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] de 15 A330 MRTT « Phénix », les trois A330-200 devant être convertis en avions ravitailleurs après 2025.

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