Nexter et Rheinmetall se disputent au sujet du canon qui équipera le char de combat franco-allemand du futur

Sur les quatre projets d’armement lancés en juillet 2017 par la France et l’Allemagne, combien passeront l’obstacle de la dernière session du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr] avant les élections fédérales du 26 septembre prochain, et donc la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale à Berlin?

Ainsi, la modernisation de l’hélicoptère d’attaque Tigre [standard Mk3] est suspendue aux atermoiements de Berlin qui, avant de s’engager dans ce programme, veut des garanties sur l’amélioration de la disponibilité des appareils de ce type que met en oeuvre la Bundeswehr [qui, par ailleurs, lorgnerait sur le AH-64 Apache de Boeing…]. L’avenir du programme MAWS [Maritime Airborne Warfare System] est hypothéqué par la décision allemande de retirer au plus vite du service les avions de patrouille maritime P3C Orion de la Deutsche Marine… et de les remplacer par une solution américaine qui n’aurait rien de transitoire.

Autre projet qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois : le Système de combat aérien du furur [SCAF], dirigé par la France. L’accord obtenu après d’âpres discussions entre les industriels impliqués [Dassault Aviation, Airbus, Safran, MTU, etc] a récemment été « descendu » dans deux notes internes au ministère allemand de la Défense qui, bien que confidentielles, ont « fuité » [opportunément?] dans la presse d’outre-Rhin. En cause? Le « positionnement français fort », qui se réduirait ce projet à « approche Rafale Plus avec des fonds budgétaires allemands et espagnols. » Reste à voir ce qu’en dira le comité des Finances du Bundestag, avec des députés soucieux de défendre les intérêts des industriels implantés dans leur circonscription.

Enfin, mené par l’Allemagne, le programme MGCS [Main Ground Combat System], qui vise à développer un nouveau char de combat, est aussi dans la nasse, alors qu’on pouvait penser que le rapprochement entre Nexter Systems et Krauss-Maffei Wegmann [KMW] au sein de KNDS allait faciliter sa conduite. Il n’en a rien été puisqu’un troisième acteur – Rheinmetall – s’y est invité, ce qui complique la répartition des tâches à parts égales entre Français et Allemands. Et il est même possible que d’autres industriels rejoignent ce projet, Berlin envisageant de l’ouvrir au Royaume-Uni.

Le dossier du MGCS n’a pas beaucoup été évoqué durant ces derniers mois, le SCAF ayant focalisé l’attention. Cependant, en mai, dans un entretien donné à La Tribune, la ministre des Armées, Florence Parly, avait admis que ce projet ne « progressait pas pour le moment au rythme souhaité par tous ». Et d’expliquer : « Rheinmetall a vis-à-vis de ses deux partenaires industriels Nexter et KMW des exigences en contradiction avec les conditions qui nous ont permis de trouver un accord sur le SCAF ».

L’une des pommes de discorde porte sur l’armement du MGCS. C’est en effet ce que l’on apprend à la lecture du compte-rendu d’une audition au Sénat de Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [Compte-rendu qui vient d’être publié près de deux mois et demi après qu’elle a eu lieu!, ndlr].

« Pour l’instant, nous n’avons pas d’accord sur le MGCS. Les discussions doivent se poursuivre, en particulier entre Nexter et Rheinmetall sur la partie canon du futur char », a en effet déclaré M. Barre, le 7 avril dernier. Ont-elles progressé depuis? Les propos de la ministre tenus le mois dernier suggèrent que cela n’a pas été le cas.

Le désaccord porte donc sur l’armement de ce char franco-allemand du futur. En juillet 2020, Rheinmetall avait dégaîné le premier, si l’on peut dire, en dévoilant une nouvelle tourelle dotée d’un canon de 130 mm /L51, associé à un « chargeur automatique de pointe ». Ce qui, avait plaidé l’industriel allemand, permettrait d’augmenter « significativement la létalité à une époque où les menaces se multiplient ».

De son côté, et après avoir testé une tourelle munie d’un canon de 140 mm et montée sur un char Leclerc, Nexter a récemment dévoilé le concept innovant « Ascalon » [Autoloaded and SCALable Outperforming guN], un canon utilisant des munitions télescopées, stockées et intégrées dans une tourelle à charement automatique.

Ce concept offre une « architecture ouverte conçue pour servir de base, dans le cadre du programme franco-allemand MGCS, à un développement en coopération, jetant ainsi les fondations du futur standard de canon et de munitions de char européen, à la manière des travaux antérieurement menés sur le canon de 140mm FTMA en coopération entre nations alliées », avait expliqué Nexter Systems.

Sur ce point, le précédent DGA, Laurent Collet-Billon, avait souligné le savoir-faire français en matière de systèmes d’armes. « S’agissant du char franco-allemand, notre industrie a des compétences à faire valoir face à l’industrie allemande, notamment sur la tourelle. En fait, on pourrait avoir un châssis allemand avec une tourelle et un système d’armes français – qui pourraient s’accompagner de munitions de gros calibre français. De ce point de vue, le Leclerc a fait ses preuves au combat au Yémen et les Émirats arabes unis s’en servent beaucoup », avait-il dit aux députés, en 2015.

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