Mme Parly : le projet de char franco-allemand « ne progresse pas pour le moment au rythme souhaité »

Parmi les programmes d’armement menés en coopération avec l’Allemagne, le Système de combat aérien du futur [SCAF] aura tenu le haut de l’affiche, ces dernière semaines, notamment après que la chancelière allemande, Angela Merkel, a réclamé un partage des tâches à un « niveau satisfaisant » pour les industriels d’outre-Rhin et soulevé la question de la proprité intellectuelle. Ce qui a donné lieu à des discussions animées entre Dassault Aviation et Airbus au sujet du New Generation Fighter [NGF], c’est à dire l’avion de combat qui sera au contre de ce « système de systèmes ».

Le mois dernier, les industriels impliqués dans ce programme ont fini par s’entendre. Et il reste maintenant aux pays concernés [France, Allemagne et Espagne] à accorder leurs violons pour notifier, enfin, la phase 1B, laquelle ouvre la voie à la mise au point d’un démonstrateur. « Les négociations sont aujourd’hui en courte finale », a confirmé Florence Parly, la ministre des Armées, dans un entretien publié ce 14 mai par La Tribune. « Je ne doute pas que nous trouverons un accord sur ce sujet pour le SCAF qui satisfasse les exigences de chacun. Pour dire les choses clairement : nous voyons la lumière au bout du tunnel mais nous n’avons pas tout à fait fini les négociations », a-t-elle dit.

Cela étant, l’accord devra encore être examiné par le comité des Finances du Bundestag, lequel s’était fait tirer l’oreille pour valider la phase 1A du programme SCAF, en février 2020. Pour rappel, les députés allemands avaient souhaité lier ce dernier au projet MGCS [Main Ground Combat System], c’est à dire le futur char franco-allemand, dont les travaux sont dirigés par l’Allemagne. « À partir du moment où les industriels se sont mis d’accord et que les administrations et les exécutifs de chacun des trois pays valident les propositions industrielles, il me paraitrait logique que le Bundestag voie cet ambitieux programme européen d’un bon œil », veut croire Mme Parly.

Seulement, l’an passé, les parlementaires allemands avaient réclamé des garanties sur une meilleure prise en compte des intérêts des industriels allemands impliqués dans le SCAF et que le MGCS avançât au même rythme. On verra, quand l’accord leur sera soumis, s’ils estiment que le compte y est pour le premier programme. Mais s’agissant du char du futur, la situation est bloquée.

Au départ, l’affaire était simple : le programme MGCS devait être confié à KNDS, la co-entreprise détenue à parts égales par le français Giat Industries, maison-mère de Nexter, et l’allemand Wegmann & Co Gmbh, propriétaire de Krauss-Maffei Wegmann. Une telle organisation ne pouvait que faciliter le partage des tâches entre les deux pays, tout en ne sacrifiant rien au principe de « meilleur athlète ».

Seulement, l’arrivée d’un troisième acteur – à savoir Rheinmetall – a changé la donne… Et, par conséquent, compliqué le partage des tâches entre Allemands et Français.

Dans l’entretien qu’elle a donné à La Tribune, Mme Parly indique que « KNDS et Rheinmetall continuent de discuter entre eux pour trouver un accord acceptable par tous pour la prochaine phase du projet », dont on ignore quand elle pourra être lancée.

Pour le moment, le programme MGCS en est à la phase d’étude de définition de l’architecture du système [SADS Part 1]. Un contrat a été notifié en mai 2020 au groupement industrel ARGE [Arbeitsgemeinschaft], formé par Nexter, Krauss Maffei Wegmann et Rheinmetall.

À en croire Mme Parly, la source des difficultés du MGCS est à chercher de Rheinmetall, qui, par ailleurs, ne cache pas son ambition de prendre le contrôle de Krauss-Maffei Wegmann, ce qui déséquilibrerait KNDS, Nexter Systems ne faisant plus le poids. En outre, selon la ministre, l’industriel allemand s’oppose aux principes qui avaient été initialement définis par Paris et Berlin pour mener à bien ce projet.

« Rheinmetall a vis-à-vis de ses deux partenaires industriels Nexter et KMW des exigences en contradiction avec les conditions qui nous ont permis de trouver un accord sur le SCAF », a en effet affirmé Mme Parly. « Par conséquent, le projet ne progresse pas pour le moment au rythme souhaité par tous. Pourtant il y a des solutions sur la table », a-t-elle déploré.

Par ailleurs, quand on croit qu’un projet va aller de l’avant, de nouveaux écueils apparaissent. Tel est le cas de l’Eurodrone, le programme européen de drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], dirigé par l’Allemagne et associant la France, l’Espagne et l’Italie. Après des discussions compliquées avec les industriels concernés [Airbus, Dassault Aviation et Leonardo], un accord a pu être trouvé au niveau des États. Puis le Bundestag a tardé à le valider. Et, alors que plus aucun obstacle n’était en vue, c’est maintenant Madrid qui n’est plus en mesure de payer son écot.

« Quand je dis que le contrat est notifiable d’ici à l’été, il faut que l’Espagne s’engage sur le financement de ce programme. Cette capacité de financement dépend des délais de ratification des plans de relance et donc de la vitesse avec laquelle les fonds européens du plan de relance vont parvenir à l’Espagne. Il n’y a pas de réserve de principe sur le programme mais il y a une question de financement à finaliser », a ainsi expliqué Mme Parly.

Autre programme franco-allemand en difficulté : celui concernant la patrouille maritime [MAWS, Maritime Airborne Warfare System]. Ayant décidé d’avancer le retrait des avions de patrouille maritime P-3C Orion de la Deutsche Marine, Berlin envisage l’achat de P-8A Poseidon auprès des États-Unis… après avoir refusé une offre française concernant des Atlantique 2 portés au standard 6.

Les P-8A Poseidon « ne peuvent pas être, de notre point de vue, un ‘gapfiller’ dans l’attente du MAWS. C’est donc de ce sujet qu’il nous faut maintenant nous entretenir avec nos partenaires allemands. Dès lors que c’est un projet de coopération, cela doit le rester parce que c’est un engagement fort qui a été pris il y a quatre ans. Nous allons rapidement clarifier ce sujet avec l’Allemagne », a confié la ministre des Armées.

Cela étant, il y a des dossiers qui finissent par avancer dans la bonne direction. Comme celui du prochain standard de l’hélicoptère d’attaque Tigre. Alors que la Bundeswehr n’était pas satisfaite de la disponibilité de ses appareils [au point de laisser entendre un possible achat de AH-64 Apache américains…], Berlin a fini par accepter, en mars, un accord via l’OCCAr. Il reste désormais au Bundestag à le valider. Quand? Mystère.

« Nous attendons l’inscription du sujet à l’ordre du jour d’une séance parlementaire du Bundestag, en parallèle du processus d’approbation espagnol », a dit Mme Parly.

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