Manille va installer une « base logistique » sur l’une de ses îles pour faire face à la milice maritime chinoise

Début mars, le ministre philippin de la Défense, Delfin Lorenzana, a dénoncé la présence de plus de 200 navires de pêche, soupçonnés d’appartenir à la milice maritime chinoise, dans les environs du récif de Whitsun [encore appelé Juan Felipe], situé dans la Zone économique exclusive [ZEE] des Philippines, à 230 km de l’île de Palawan.

Malgré le ton conciliant à l’égard de Pékin affiché par leur président, Rodrigo Duterte, plusieurs responsables philippins n’ont depuis cessé de donner de la voix pour exiger le départ de ces navires chinois. En pure perte… Et pour cause : la Chine prétend que les récifs et autres îlots philippins où sa milice maritime a jeté l’ancre lui appartiennent… Aussi y a-t-elle renforcé sa présence.

Ainsi, ce sont désormais près de 300 bateaux de cette milice maritime, généralement escortés par la garde-côtière chinoise [par ailleurs autorisée à faire usage de la force sans sommation préalable dans les eaux « sous juridiction » chinoise], qui naviguent dans les zones maritimes appartenant aux Philippines. Et cela multiplie d’autant les risques d’incident avec les pêcheurs locaux, voire avec les forces philippines.

D’autant plus que, à l’avenir, ces dernières entendent également y renforcer leur présence. La semaine passée, leur chef d’état-major, le général Cirilito Sobejana, a confirmé un plan selon lequel la garnison actuellement installée sur l’île de Pag-asa [aussi connue sous le nom de Thitu] serait transformée en « centre logistique » pour faciliter les opérations dans la région.

« Si nous la transformons en base logistique, nos bateaux pourront aller plus loin et nos patrouilles de souveraineté dans la mer des Philippines se poursuivront », a fait valoir le général Sobejana. « Nous patrouillons là où vont nos pêcheurs ainsi que là où les navires chinois sont présents afin de nous assurer que nos compatriotes ne seront ni menacés, ni intimidés », a-t-il ajouté.

Faisant partie de l’archipel des Spratleys, l’île de Pag-asa accueille actuellement un modeste détachement militaire. Et elle dispose d’une piste d’aviation sommaire de 1.300 mètres de long et un port – civil – y a été inauguré en 2020. Si les infrastructures militaires n’y ont pas été développées jusqu’à présent, c’est que, selon Manille, un accord entre l’ASEAN [Association des nations de l’Asie du Sud-Est] et Pékin interdisait de telles constructions dans des zones contestées. Or, ces dernières années, la Chine s’en est affranchie, en militarisant un certain nombre de récifs en mer de Chine mériodionale, pratiquant ainsi la politique du fait accompli.

D’un point de vue opérationnel, une base logistique installée à Pag-asa éviterait aux navires philippins de faire la navette entre leur zone de patrouille et le port de Puerto Princesa, à Palawan. Et elle réduirait par conséquent le temps de réaction en cas de nécessité. Et il est probable qu’elle intéresse également la marine américaine, qui aurait un point de chute à une encâblure des bases chinoises établies en mer de Chine méridionale. Pour rappel, les États-Unis et les Philippines sont liés par un traité de défense, signé en 1951…

Pour le moment, les autorités chinoises n’ont pas réagi publiquement à ce projet de l’état-major philippin. Projet qui pourrait être une source de tensions, avec des démonstrations de force de l’Armée populaire de libération [APL] pour intimider Manille. En 2019, eviron 200 navires de « pêche » chinois furent déployés près de Pag-asa, ce qui obligea – pour une fois – le président Duterte à réagir. « Je ne vous l’ordonne pas et je ne vous le demande pas non plus à genoux, je vous dis simplement de ne pas toucher à Pag-asa, car j’y ai des soldats. Si vous y touchez, ce ne sera plus la même chose. Je demanderai aux soldats de ‘préparer une mission-suicide », avait-il lancé.

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