Un journal chinois influent évoque des frappes contre l’Australie si elle aide militairement Taïwan

Lors de l’Anzac Day, le 25 avril, le nouveau ministre de la Défense, Peter Dutton, s’était inquiété de l’éventualité d’une guerre opposant la Chine à Taïwan. Ce qui lui valut les foudres de Pékin. « On espère que la partie australienne reconnaîtra pleinement la grande sensibilité de la question de Taïwan, respectera le principe d’une seule Chine, sera prudente dans ses paroles et ses actes tout en s’abstenant d’envoyer de faux signaux aux forces séparatistes taïwanaises », lui rétorqua la diplomatie chinoise, le lendemain.

Dans la même veine, Mike Pezzullo, un responsable du gouvernement australien, évoqua les « battements de tambours de la guerre » qui se faisaient de nouveau entendre dans la région Indo-Pacifique. Et d’insister sur la nécessité de se préparer à une éventuel conflit. Mais il s’était gardé d’évoquer la Chine, alors que les relations entre Canberra et Pékin ne cessent de se dégrader, malgré leurs relations commerciales.

Ingérences dans la vie politique australienne, influence dans les universités, accusations d’espionnage et de cyberattaques, entraves à la liberté de navigation… Nombreux sont les griefs de l’Australie à l’égard de la Chine… Qui le lui rend bien, les autorités chinoises n’ayant pas digéré l’exclusion de l’équipementier Huawei dans le réseau 5G australien ou encore la demande de Canberra concernant une enquête internationale pour déterminer l’origine de la covid-19 à Wuhan [Chine].

Au niveau économique, les relations se sont davantage tendues après la décision du gouvernement fédéral australien de résilier un accord signé par l’État de Victoria [sud-est de l’Australie] avec les autorités chinoises dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », considérant qu’il représentait une menace contre l’intérêt national. Ce qui a été perçu comme une « provocation » à Pekin, qui, en retour, a suspendu toutes les activités conduites dans le cadre du mécanisme de Dialogue économique stratégique Chine-Australie.

Jusqu’alors, la position australienne consistait à jouer sur deux tableaux : maintenir les exportations vers la Chine à un niveau élevé [un tiers des exportations brutes australiennes étaient destinées au marché chinois, ndlr] tout en s’abritant sous la parapluie sécuritaire américain.

La donne commença à changer quand une enquête mit en évidence l’influence chinoise dans la vie politique australienne. Puis, les ambitions régionales de Pékin et la pandémie firent le reste, avec notamment, s’agissant de cette dernière, la décision chinoise de limiter et/ou de taxer plus encore les importations venant d’Australie après sa demande d’une enquête internationale et indépendante sur l’origine de la covid-19.

Sur le plan militaire, l’Australie est une alliée proche des États-Unis, avec lesquels elle a co-fondé le Quad [Dialogue de sécurité quadrilatéral], qui réunit également le Japon et l’Inde, dont la raison d’être est de contrer la Chine dans la région Indo-Pacifique.

Évidemment, dans le cas où Pékin déciderait de mettre la main sur Taïwan, il y a fort à parier que Canberra se joindrait à Washington pour s’y opposer, d’autant plus que l’Australie et les États-Unis sont liés par l’ANZUS [Australia, New Zealand, United States Security Treaty], un traité signé en 1951. C’est en vertu de ce dernier que les forces australiennes participèrent aux guerres de Corée et du Vietnam, ainsi qu’aux opérations américaines en Afghanistan et en Irak.

En outre, Taipei cherche le soutien de Canberra, comme l’a affirmé Joseph Wu, le ministre taïwanais des Affaires étrangères, dans un entretien publié par l’Australian Financial Review, le 7 mai dernier. Il s’agit, a-t-il expliqué de « lutter contre l’expansionnisme du président chinois Xi Jinping dans le monde démocratique. »

Quoi qu’il en soit, un soutien de l’Australie a une opération américaine consistant à défendre taïwanan pourrait se traduire par une participation à la protection des voies maritimes, à des missions de transport, voire à des actions de combat sous certaines conditions.

Une telle perspective est évidemment inacceptable pour Pékin, qui n’a pas manquer de le faire savoir… en se servant du « Global Times », le tabloïd édité par le Quotidien du Peuple, le journal officiel du Parti communiste chinois [PCC]. L’avantage d’utiliser un tel canal est de dire tout haut ce que l’on pense tout bas, sans pour autant y donner un vernis officiel.

« Étant donné que les faucons australiens continuent à exagérer ou à laisser entendre que l’Australie aidera l’armée américaine et participera à une guerre une fois qu’elle aura éclater dans le détroit de Taiwan, et que les médias australiens ont activement promu ce sentiment, je suggère que la Chine fasse un plan pour des représailles contre l’Australie », a ainsi écrit Hu Xijin, qui n’est autre que le rédacteur en chef du Global Times.

« Le plan devrait inclure des frappes à longue portée contre les installations militaires et stratégiques sur le sol australien si l’Australie envoie réellement des troupes combattre l’Armée populaire de libération [APL] », a ajouté Hu Xijin.

« La Chine aime la paix et ne prendra pas l’initiative de se battre avec l’Australie lointaine, mais les faucons australiens doivent être lucides. S’ils sont assez audacieux pour se coordonner avec les États-Unis pour interférer militairement dans la question de Taiwan […], ils doivent savoir quels désastres ils provoqueraient dans leur pays », a conclu le rédacteur en chef du Global Times, dont le texte a été rangé dans la catégorie « point de vue ».

Plus tard, le Quotidien du Peuple n’est pas allé jusqu’à faire la même suggestion que M. Hu. Cependant, il a critiqué « l’obsession pathologique » de l’Australie concernant la guerre contre la Chine.

Canberra n’a pas réagi officiellement. Toutefois, quelques voix, comme celle du professeur de science politique Joe Siracusa a suggéré au gouvernement australien de convoquer l’ambassadeur de Chine et de lui demander de rejeter les suggestions émises par le Global Times. Et s’il ne le fait pas, de l’expulser d’Australie.

En tout cas, on verra si les autorités australiennes prennent de telles menaces au sérieux dans les prochains mois… si elles décident de se procurer des systèmes Patriot ou THAAD auprès des États-Unis. Ce qui n’était pas au programme de l’actualisation du livre blanc australien sur la défense, publiée l’an passé. L’accent était en effet mis sur les capacités de frappe à des fins de dissuasion. Actuellement, la défense antimissile est assuré par la Royal Australian Navy [RAN], avec des systèmes AEGIS installé à bord de ses frégates.

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