Le président turc a-t-il demandé à son état-major de provoquer un incident en Méditerranée orientale?

Depuis que la Grèce et l’Égypte ont signé un accord sur leurs frontières maritimes respectives et que, en réponse, la Turquie a relancé, sous escorte militaire, sa prospection de gisements gaziers dans les zones maritimes exclusives grecques et chypriotes, les tensions en Méditerranée orientale sont au plus haut. Et il suffirait d’une étincelle pour que la situation dérape.

Ce qui a d’ailleurs failli se produire avec la collision entre la frégate grecque HS Limnos et la frégate turque TCG Kemal Reis, la proue de la première ayant endommagé la seconde.

Cela étant, selon le quotidien allemand Die Welt, qui cite des militaires turcs anonymes, le président Recep Tayyip Erdogan aurait demandé, « il y a quelques jours », à son état-major de provoquer un « incident » avec la marine grecque en envoyant par le fond l’un de ses navires… mais sans faire de victimes.

Ce que les généraux turcs ont refusé, comme ils ont aussi balayé la suggestion, faite par l’entourage de M. Erdogan, d’abattre un avion de chasse grec, le pilote ayant la possibilité de s’éjecter.

Pour Die Welt, l’objectif que poursuit M. Erdogan dans le bras de fer engagé avec la Grèce [mais aussi, d’une certaine manière, avec la France, qui se tient aux côtés d’Athènes et de Nicosie] serait avant tout de « renforcer son pouvoir et d’unir les Turcs derrière lui », alors que l’économie de la Turquie chancèle, ce qui ne peut que faire croîte le mécontentement.

Selon une source citée par le Figaro, cette clé de lecture est plausible. « La distance entre l’Oruç Reis [le navire de recherche sismique envoyé par Ankara dans la ZEE grecque, ndlr] et les bâtiments de guerre qui l’entourent pourrait ne pas permettre techniquement des opérations de forage », a-t-elle confié au quotidien. « De toute façon, l’exploitation de ces ressources demandera encore des années. La démonstration de force turque en mer est donc avant tout politique », a conclu ce dernier.

Cependant, ce serait faire fi de la doctrine de « Patrie bleue » qui, élaborée par l’amiral Cem Gürdeniz, vise à étendre les frontières maritimes turques, tant en Méditerranée orientale qu’en mer Noire. Ce qui suppose de remettre en cause la Convention des Nations unies sur le droit de la mer [UNCLOS, que la Turquie n’a d’ailleurs pas signée] et ce qui explique l’accord signé en novembre dernier par Ankara et le gouvernement d’union national libyen, et donc l’intervention militaire turque en Libye.

En outre, dans un récent entretien donné à l’AFP, l’amiral Gürdeniz avait prévenu : « Si la Grèce appuie sur la détente, ce sera la fin de l’Otan. » Ce qui vaut aussi pour la Turquie…

Photo : Ministère turc de la Défense

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