Un rapport de l’inspection du Pentagone égratigne la Turquie à propos de son attitude à l’égard de Daesh

Le 25 mai, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a affirmé que la Turquie avait éliminé « 1.458 terroristes en Irak et en Syrie durant les 12 derniers mois ». Seulement, relève le dernier rapport trimestriel de l’inspection général du Pentagone sur l’opération Inherent Resolve [coalition anti-jihadiste, ndlr], il n’a « pas précisé quels étaient ces terroristes »…

En effet, Ankara ne fait aucune différence entre le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK, organisation reconnue comme étant terroriste par l’Union européenne et les États-Unis] et le PYD, le parti kurde syrien. Et cela parce que les deux organisations sont proches. Reste que, en lançant une offensive dans le nord-est de la Syrie, en octobre dernier, contre les Forces démocratiques syriennes [FDS], dont les milices kurdes syriennes constituent le gros des troupes, la Turquie a indirectement donné un coup de pouce à l’État islamique [EI ou Daesh].

En effet, jusqu’alors, et avec le soutien de la coalition, les FDS étaient à la pointe du combat contre l’organisation jihadiste, dans la mesure où, par la force des choses, elles ont été contraintes de revoir leurs priorités en répondant à l’offensive turque qui les visait. Aussi, Daesh en a-t-il profité, que ce soit pour recruter de nouveaux combattants parmi les sunnites mécontents ou encore pour intensifier ses actions d’extorsion de fonds parmi la population locale.

En effet, selon le rapport, qui cite des éléments fournis par la Defense Intelligence Agency [DIA], « les efforts de l’EI pour collecter des fonds se sont intensifiés depuis l’incursion turque en octobre. Des habitants ont déclaré que les membres de l’État islamique avaient multiplié les barrages et intensifié le harcèlement des entreprises locales après que les forces kurdes ont concentré leur attention sur la frontière. »

Avec des recettes financières « historiquement » basses, tant en Syrie qu’en Irak, en raison de la perte de son emprise territoriale, avance la DIA, Daesh « reste principalement concentré sur la façon de générer des revenus ainsi que sur la libération de ses membres et de leurs familles retenus dans les centres de détention et les camps de déplacés, tout en cherchant à exercer une plus grande influence sur les populations locales. » Et cela, via l’assassinat ciblé de chefs tribaux et l’intimidation.

Qui plus est, la présence de groupes rebelles syriens soutenus par la Turquie dans les régions autrefois contrôlées par les FDS est une source de préoccupation, selon le rapport. Citant l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, le rapport explique qu’Ankara soutient activement « plusieurs milices et groupes islamistes extrémistes engagés dans des activités criminelles violentes ». Ce qui donne lieu à des exécutons extra-judiciaires, des extorsions, des expropriations, des détentions arbritraire et de violations répétées du droit des conflits armés.

Quoi qu’il en soit, et d’une manière générale, le rapport de l’inspection générale du Pentagone est ambigu sur les actions de la Turquie à l’égard de Daesh… Ainsi, il avance que l’organisation terroriste « continue d’avoir accès à des réserves financières de plusieurs centaines de millions de dollars » via, notamment, des sociétés écran, et qu’elle se sert de la Turquie pour « faciliter les mouvements d’argent », en ayant recours à au moins « 10 facilitateurs ou entreprises de services financiers. »

« Le Trésor [américain] a indiqué qu’il continue de travailler avec les partenaires de la coalition […] pour identifier et perturber les finances et les réseaux de l’État islamique », que ce soit « en Irak, en Syrie, en Turquie et ailleurs », lit-on dans le rapport.

Cité également dans ce document, l’US EUCOM, le commandement militaire américain pour l’Europe, explique que « la proximité de la Turquie en fait un centre de facilitation majeur pour l’État islamique » mais aussi une « cible pour des attaques de haut niveau ». Et de souligner aussi qu’Ankara a aussi « intensifié ses actions contre l’EI en Syrie » au cours du dernier trimestre, en « menant des raids et en renforçant sa présence sécuritaire le long de ses frontières avec la Syrie et l’Irak ». Ce qui aurait eu un impact sur la capacité de mouvement des combattants de l’organisation, ainsi que sur ses activités de contrebande.

Toutefois, poursuit l’US EUCOM, la diffuculté de sécuriser les frontières fait que Daesh « poursuivra probablement ses tentatives » de faire passer ses combattants d’un pays à l’autre.

Reste que, en octobre, après le raid des forces spéciales américaines contre Abu Bakr al-Baghdadi dans la province syrienne d’Idleb, des commentaires peu amènes avaient été faits à l’endroit de la Turquie, même si cette dernière avait été remerciée par le président Trump, alors qu’elle avait été… écartée de l’opération.

« La Turquie doit nous fournir des explications. […] Baghdadi n’a pas été retrouvé dans ces régions traditionnelles dans l’est de la Syrie ou dans l’ouest de l’Irak – mais simplement à quelques miles de la frontière turque, et dans la province d’Idleb, qui a été protégée par une dizaine d’avant-postes militaires depuis le début de l’année 2018 », avait ainsi affirmé Brett McGurk, l’ancien envoyé de la Maison-Blanche pour la coalition anti-Daech en Irak et en Syrie, dans les colonnes du Washington Post.

Quoi qu’il en soit, l’EI a accéléré le rythme de ses attaques au cours du dernier trimestre, en particulier en Irak [400 recensées]. Pour autant, le commandement d’Inherent Resolve n’y voit le signe d’une « résurgence » de l’organisation dans la mesure cette dernière chercherait avant tout à « exploiter des opportunités ».

« Ils ont du mal à trouver refuge jusque dans les zones rurales. Leurs dirigeants, leurs finances, leur logistique, leurs médias ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils étaient », a récemment expliqué le général Kenneth Ekman, le commandant en second d’Inherent Resolve, à la presse. « L’un des signes de succès est que l’EI n’est pas capable de contrôler du territoire. […] Quand on arrive au point où on n’a plus qu’une petite insurrection qui se cache dans des zones rurales, dans des caves et des montagnes, on a globalement réussi », a-t-il ajouté.

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