Covid-19 : L’armée de l’Air ne s’attend pas à retrouver un fonctionnement normal d’ici septembre prochain

Comme le ministère des Armées, l’état-major de l’armée de l’Air a mis en place un plan de continuité d’activité dès que les mesures de confinement ont été annoncées pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Ce qui l’a contraint à faire des choix en privilégiant les engagements extérieurs, la posture permanente de sûreté aérienne [PPS] et la dissuasion… tout en s’impliquant dans l’opération Résilience, avec le transport de patients et de soignants.

S’agissant de cette dernières, l’armée de l’Air, a souligné son chef d’état-major [CEMAA], le général Philippe Lavigne, lors d’une audition parlementaire, « s’est fortement mobilisée […] par des missions aériennes de soutien sanitaire et logistique, avec l’aide de nos équipes de désinfection. » Et « un remarquable travail conjoint a été mené avec le service de santé des armées, les industriels, la direction générale de l’armement, la direction de la maintenance aéronautique. Nous avons ainsi expérimenté en des temps records des procédures nouvelles de médicalisation des aéronefs A400M, C130, CASA, hélicoptères Caracal et Puma », a-t-il ajouté.

Au total, les moyens de l’armée de l’Air ont permis de transporter « 93 patients médicalisés sous oxygène dans de très courts délais vers des hôpitaux peu engorgés, ainsi que 450 soignants. »

Quant à la posture permanente de sûreté, on aurait pu penser que la forte réduction du trafic aérien civil [-90%] allait se traduire par une baisse mécanique de l’activité de l’armée de l’Air. Il n’en a rien été, selon le général Lavigne.

« Le nombre de décollages sur alerte des chasseurs a augmenté, pour des pertes de communication, des vérifications de dérogation pour les quelques aéronefs de tourisme autorisés à voler, mais aussi pour l’entraînement de nos chasseurs sur des plateformes aéronautiques comme Roissy, habituellement surchargées », a expliqué le CEMAA aux députés. « Nombreux sont par ailleurs les avions à long rayon d’action russes continuant de longer les côtes nordiques en direction des nôtres. L’armée de l’Air participe à la manœuvre pour les contrer », a-t-il ajouté.

Les Forces aériennes stratégiques [FAS] sont évidemment restées mobilisées. « Elles ont ainsi mené un exercice de nuit mobilisant une cinquantaine de moyens aériens. Le MRTT Phénix comptait bien sûr parmi ces moyens, alors que de jour, il œuvrait en parallèle pour transporter des malades dans le cadre de Résilience », a rappelé le général Lavigne.

Enfin, l’activité sur les théâtres extérieurs a été maintenue, comme en témoignent les points de situation hebdomadaires de l’État-majors des armées sur les opérations en cours.

Cela étant, pour mener de front ces missions jugées essentielles, il a fallu réduire celles qui l’étaient moins… Ce qui n’est pas sans conséquence dans la mesure où, a souligné le général Lavigne, ce « ralentissement de l’activité a engendré un retard de régénération capacitaire » qu’il est « désormais impératif de maîtriser » avant d’être en mesure de « le résorber progressivement ».

« Durant le confinement, l’armée de l’Air n’a pas cessé son activité, évaluée entre 50 et 70 % [de son niveau normal, nldr]. La reprise d’activité se fera en deux étapes : du 11 mai à la fin de l’été, une remontée progressive vers 80 % du niveau antérieur et, à compter de septembre, un retour vers une normalisation de notre fonctionnement », a indiqué le CEMAA.

Cette « dette organique » n’épargne aucun domaine, que ce soit la chasse, le transport, les hélicoptères, les drones ou encore les structures de commandement et de contrôle. « L’effort consenti pour garantir les missions permanentes ainsi que l’activité en opérations extérieures, a globalement permis de maintenir le niveau médian des équipages, mais a creusé un déficit dans des domaines pointus d’expertise ou dans la formation des plus jeunes. Les exercices interalliés de haut niveau ont ainsi été annulés pour une bonne partie de l’année 2020 », a expliqué le général Lavigne.

Et ce dernier redoute de voir « l’entraînement des forces aux missions de ‘haut du spectre' » être « fragilisé ». « Mes échanges réguliers avec mes homologues européens, américains ou de la zone indopacifique confirment la volonté de toutes nos armées de maintenir des liens et de replanifier dès que possible ces exercices de haut niveau », a-t-il dit aux députés.

Un autre point d’attention pour le CEMAA concerne le Maintien en condition opérationnelle [MCO], notamment « au regard de l’amenuisement des stocks logistiques. » Or, si, pendant le confinement, les avions ont pu continuer à voler, c’est grâce à la réactivité et à l’efficacité des mécaniciens de l’armée de l’Air. « Les stocks logistiques ont été exploités. Nos industriels se sont également immédiatement engagés pour soutenir en priorité les flottes engagées en opération », a-t-il expliqué. Ce qui a permis de maintenir l’activité « chasse » à plus de 70% et celle de l’aviation de transport et des hélicoptères à près de 50%.

Pour autant, « la dette ‘technique’ de niveau industriel [approvisionnements logistiques, chantiers de maintenance] aura des conséquences sur la disponibilité des flottes », a prévenu le général Lavigne.

Quoi qu’il en soit, le MCO est « un sujet d’attention, au regard de l’amenuisement des stocks logistiques », a insisté le général Lavigne. D’autant plus que, a-t-il observé, « l’industrie aéronautique, souvent duale, est fragilisée par la crise. » Aussi, a-t-il continué, un « travail d’équipe est plus que jamais nécessaire » car il « en va de la survie de notre base industrielle et technologique de défense [BITD] et de la capacité de l’armée de l’Air à mener ses opérations dans la durée. »

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