La République de Chypre accuse la Turquie d’être un « État pirate » en Méditerranée orientale

Le conflit libyen est lié, d’une certain façon, à la situation actuelle de la Méditerranée orientale, où il est question d’exploiter d’importantes réserves de gaz naturel, notamment dans la zone économique exclusive [ZEE] de la République Chypre.

En effet, en novembre dernier, Ankara a signé un mémorandum sur ses frontières maritimes avec le gouvernement d’union nationale libyen [GNA]. Accord qui lui permet d’étendre significativement la surface de son plateau continental [en faisant fi des prétentions des autres pays de la région] et de mener des activités de prospection gazière dans la ZEE de la République de Chypre.

Pour la Turquie, il s’agit de défendre les « intérêts » de la République turque de Chypre Nord [RTCN], c’est à dire la partie nord de l’île, qu’elle avait envahie en 1974, et de compromettre le projet de gazoduc EastMead orienté vers l’Europe, porté par la Grèce, la République de Chypre et Israël.

Évidemment, et même si la légalité de cet accord, au regard du droit international, est discutable, la Turquie a tout intérêt à ce que le GNA se maintienne au pouvoir à Tripoli. Or, il est actuellement menacé par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, lequel soutient le gouvernement rival de Tobrouk… D’où l’implication militaire turque en Libye, avec l’envoi de combattants de groupes rebelles syriens soutenus par Ankara et la livraison d’équipements aux milices pro-GNA.

Peu avant la tenue, à Berlin, d’une réunion devant évoquer le conflit libyen [réunion qui s’est terminée comme les précédentes, avec des déclarations d’intention qui seront très probablement très vite oubliées…], l’Union européenne [UE], par la voix de Josep Borrell, son Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a une nouvelle fois mis en garde la Turquie contre ses forages « illégaux » dans la ZEE de la République de Chypre.

« Tous les membres de la communauté internationale doivent s’abstenir de toute action susceptible de porter atteinte à la stabilité et à la sécurité régionales », a affirmé un porte-parole de Josep Borell, le 18 janvier. Or, a-t-il ajouté, « l’intention de la Turquie de lancer de nouvelles activités d’exploration et de forage dans l’ensemble de la région va malheureusement dans le sens opposé. »

L’UE prépare d’ailleurs des sanctions ciblées contre « les personnes ou les entités qui sont responsables d’activités de forage non autorisées d’hydrocarbures en Méditerranée orientale ou qui sont impliquées dans ces activités. » Ces mesures devraient se traduire par une interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union ainsi que par un gel des avoirs et une interdiction de prêter des fonds.

La réponse d’Ankara n’aura pas tardé. Ainsi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rejeté les « ultimatums » de l’UE et rappelé que son pays abritait quatre millions de réfugiés syriens qu’il pourrait laisser partir vers l’Europe. Le chantage habituel…

Le ministère turc des Affaires étrangères s’en aussi pris à l’UE, en lui demandant de « cesser de mener des politiques loin des réalités, préjudiciables et qui sont basées sur deux poids deux mesures. » Et d’ajouter : « Personne ne doit avoir de doute sur le fait que nous continuerons aussi à protéger les droits des Chypriotes turcs dans le sud de l’île. »

Le 19 janiver, et alors que la Turquie prévoit de mener de nouvelles activités de prospection dans sa ZEE, la République de Chypre a diffusé un communiqué dans lequel elle condamne vivement l’attitude turque.

« Ignorant de manière provocatrice les appels répétés de la communauté internationale, et en particulier ceux de l’Union européenne, à mettre fin à ses activités illégales dans la ZEE de Chypre, la Turquie tente maintenant de mener un nouveau forage illégal, cette fois à l’intérieur du bloc d’exploration 8 […] qui a été dûment attribué aux sociétés européennes ENI et TOTAL. Cette nouvelle tentative de forage constitue une autre violation flagrante des droits souverains et de la juridiction de la République de Chypre en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ainsi que du droit international coutumier », a expliqué Nicosie.

« La Turquie devient un État pirate en Méditerranée orientale », a ensuite accusé le gouvenement de la République de Chypre, qui a également mis en doute la sincérité des intentions d’Ankara.

« Avec cynisme et hypocrisie, la Turquie mène des activités illégales dans le ZEE de Chypre en disant vouloir protéger les droits des chypriotes turcs, tout en revendiquant pour elle-même 44% de la ZEE de Chypre, au détriment des droits légitimes de tous les Chypriotes. Toute affirmation selon laquelle le forage prévu est effectué au profit des Chypriotes turcs est sans fondement et toute prétendue ‘licence’ accordé par la le soi-disante ‘RTCN’ est illégale, nulle et non avenue, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies et au droit international », a fait valoir Nicosie.

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