Ayant (encore) changé d’avis, le président Trump veut reprendre les négociations avec le mouvement taleb afghan

Le président Trump ne lasse pas de dérouter son mode. Après avoir critiqué James Mattis, l’ex-chef du Pentagone, pour le manque de résultats de la stratégie qu’il avait lui-même avalisée pour l’Afghanistan, il avait encouragé des négociations avec le mouvement taleb afghan à Doha [Qatar].

Et il était ainsi question, dans les grandes lignes, d’une réduction significative de la présence militaire américaine [sous 135 jours] en échange de la garantie que le territoire afghan ne redeviendrait pas une zone refuge pour les groupes terroristes. En outre, il devait y avoir des négociations intra-afghanes, c’est à dire entre le gouvernement afghan et les taliban.

Il va sans dire que la teneur de ces discussions suscita de nombreuses réserves. À Kaboul, d’abord, où l’on n’a peu apprécié d’en avoir été tenu à l’écart. Puis au sein des forces américaines ensuite, un rapport ayant souligné qu’il n’y avait que peu de chances de voir les taliban à honorer les garanties qu’ils proposèrent.

Publié au cours de ces négociations, un rapport de l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [SIGAR] avait ainsi estimé que, étant donné que le pays présentait encore la « plus grande concentration régionale de groupes terroristes dans le monde », il aurait « probablement » encore à faire face à plusieurs organisations extrémistes susceptibles de menacer la communauté internationale ». Et d’ajouter : « L’insécurité pourrait persister sous la forme d’une autre insurrection, de gangs criminels ou de réseaux impliqués dans d’autres activités néfastes. »

En outre, al-Qaïda et le mouvement taleb sont liés, le chef de l’organisation jihadiste, Ayman al-Zawahiri, ayant fait allégeance à Haibatullah Akhundzada, celui des taliban. En son temps, Oussama ben Laden fit la même chose avec le mollah Omar. Ces liens ont d’ailleurs été rappelés par un récent rapport des Nations unies sur la mouvance jihadiste.

Quoi qu’il en soit, en septembre dernier, alors que l’accord en question allait être signé et qu’une délégation du mouvement taleb afghan était attendue… la veille du 18e anniversaire des attentats du 11 Septembre 2001 [ce qui n’était pas très malin…], le président Trump fit volte face en annonçant, via Twitter, qu’il venait de rompre les négociations. Il faut dire que, dans la perspective de leur conclusion, les insurgés avaient intensifié leurs opérations. Lors d’une attaque menée quelques jours avant avait fait 12 tués, dont un militaire américain et un caporal roumain.

« Qui sont ces gens qui tuent autant de monde pour soi-disant faire monter les enchères? Ils ont échoué, ils n’ont fait qu’aggraver leur position! […] S’ils ne peuvent pas convenir d’un cessez-le-feu pendant ces négociations de paix très importantes, et sont même prêts à tuer 12 personnes innocentes, alors ils n’ont probablement pas autorité pour négocier un accord d’importance de toute façon », s’était emporté M. Trump. « Combien de décennies supplémentaires sont-ils prêts à se battre? », avait-il demandé, en guise de conclusion.

Mais, visiblement, il ne sert à rien de chercher à contredire M. Trump : il faut juste attendre qu’il change d’avis. Et c’est ce qu’il vient de faire, à la faveur d’une visite surprise en Afghanistan, à l’occasion de Thanksgiving, le 28 novembre.

« Les taliban veulent un accord, et nous les rencontrons. Nous leur disons qu’il faut un cessez-le-feu, ils ne voulaient pas de cessez-le-feu, et maintenant ils veulent un cessez-le-feu. Je pense que ça va sûrement marcher comme ça », a en effet déclaré M. Trump.

« Nous resterons tant que nous n’aurons pas d’accord ou jusqu’à ce qu’on ait une victoire totale, et ils veulent vraiment trouver un accord », a poursuivi le chef de la Maison Blanche, confirmant, au passage, son intention de faire passer de 13.000/14.000 à 8.600 le nombre de militaires américains présents en Afghanistan. « Nous pouvons aller encore beaucoup plus loin que ça », a-t-il ajouté, sans plus de précision.

Sur ce point, il reste à voir si l’Otan a été prévenue de ses intentions, alors qu’elle conduit une mission de formation et d’entraînement au profit des forces afghanes [Resolute Support, ndlr].

Par ailleurs, le mouvement taleb ne semble pas si pressé de reprendre les discussions. « Il est beaucoup trop tôt pour parler d’une reprise des discussions à ce stade », a réagi Zabihullah Mujahid, son porte-parole.

Quoi qu’il en soit, M. Trump est revenu sur son revirement du mois de septembre. « Nous étions proches du but et nous avons renoncé. Nous n’avons pas voulu le faire à cause de ce qu’ils avaient fait », a-t-il dit.

Cela étant, le 7e rapport annuel sur le terrorisme publié par le centre de recherche australien « Institute for Economics and Peace » a montré que l’Afghanistan a été le pays le plus touché par les actes terroristes en 2018, avec 7.379 victimes [contre 4.653 en 2017 et 4.597 en 2016]. Et le nombre de tués attribués aux taliban a augmenté de 71% [6.103, soit 38% du total des victimes du terrorisme dans le monde]. Ce qui fait que le mouvement taleb afghan a été l’organisation la plus meutrière, derrière Daesh [État islamique/EI] et Boko Haram [dont une faction est reconnue par l’EI].

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