Le général Lecointre s’insurge contre les allégations liant Barkhane aux richesses minières des pays du Sahel

L’idée que l’intervention française au Sahel, via l’opérarion Barkhane, viserait à protéger les mines d’uranium exploitées par Orano [ex-Areva] au Niger, voire à faire main basse sur les ressources minières [pétrole, or, etc] du Mali ou du Burkina Faso est régulièrement avancée, non seulement par ceux qui, non dénués d’arrière-pensées idéologiques, regardent les interventions militaires conduites par la France sous le seul prisme des considérations économiques. Et, généralement, l’accusation de « colonialisme » ne tarde pas à suivre.

Quelques heures après la collision entre deux hélicoptère français dans la région d’In Delimane, au Mali, une « filiale » d’un syndicat bien connu ne s’est pas privée de la porter, en parlant, via Twitter, de « militaires morts pour le colonialisme » qui « n’ont fait qu’exécuter les ordres ». Et d’ajouter : « Il ne faut pour autant pas fermer les yeux sur l’objectif même de la présence militaire française sur place ».

Aussi simpliste soit-elle, une telle idée se diffuse et apparaît même en filigrane dans certains articles de presse, lesquels expliquent que l’intérêt de la France au Sahel est d’y maintenir la paix pour « pour le développement économique de la région et la protection des gisements d’uranium, utiles à son industrie nucléaire » [lire ici ou , par exemple]. En outre, faisant son lit sur les réseaux sociaux, elle alimente le sentiment anti-français que quelques uns s’efforcent d’attiser au nom d’autres intérêts…

Sur les ondes de RFI, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées [CEMA], a tenté de tordre le cou à ces insinuations concernant la force Barkhane.

« Je ne supporte plus ces rumeurs, ces allégations et ces accusations mensongères qui font un mal absolument terrible et des ravages dans les opinions publiques des pays que nous venons aider », s’est [froidement] emporté le général Lecointre.

« Le chef militaire que je suis, qui perd des hommes au combat, vous dit que, évidemment, ce n’est pas le sens de notre action. Les armées françaises sont au Mali pour restaurer une situation dont dépend à la fois notre sécurité, à nous Français, et la stabilité et la sécurité de l’Europe parce que c’est la stabilité […] de toute l’Afrique de l’Ouest qui est en jeu aujourd’hui », a-t-il continué.

« Donc, c’est d’abord un impératif de sécurité qui nous fait agir » puis un « impératif de respect de la dignité de l’homme et des valeurs que porte la France. C’est le sens de notre engagement. C’est pour ça que je suis devenu militaire et c’est pour ça que nos soldats français sont fiers de porter leurs trois couleurs », a enchainé le général Lecointre.

Puis, il a haussé le ton. « Quand j’entends des accusations comme celles-là, je trouve que c’est particulièrement injurieux, grave et dramatique. »

Par ailleurs, s’adressant aux auditeurs africains de RFI, le général Lecointre a donné une autre raison à cet engagement de la France au Sahel. Il y a aussi « peut-être, une dette que nous avons contractée à leur égard le jour où ces Africains sont venus par milliers défendre notre sol en 1914-1918, en 1939-1945. Voilà où est ma dette et voilà où est mon souci. »

Et d’insister : « Mais imaginez que nous sommes là pour exploiter des richesses qui justifieraient simplement ou qui permettraient de compenser le coût de nos engagements, le coût humain, mais aussi le coût financier, cela me paraît tellement dérisoire que, je ne peux pas vous dire autre chose que ce que je vous réponds là. »

D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, la part de l’Afrique dans les exportations françaises est passée de 11% en 2000 à 5% du total en 2017. « Premier exportateur européen en Afrique jusqu’en 2016, la France a depuis lors perdu son leadership au profit de l’Allemagne », écrivent Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement [IRD] et Thierry Hommel, Economiste, École des Ponts ParisTech [ENPC], dans un article publié en septembre 2019.

« Parmi les 54 pays désignés comme prioritaires pour le commerce extérieur, seulement huit sont africains, dont quatre au sud du Sahara. Outre le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte, il s’agit du Nigéria, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de la Côte d’Ivoire, unique État de la liste à avoir connu un déploiement de l’armée française, en l’occurrence avec l’opération Licorne en 2002-2015 », rappellent-ils, avant de conclure que les « interventions de l’armée française n’ont pas permis à l’ancienne puissance coloniale de compenser son déclin économique en Afrique, y compris en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. »

Les dernières données publiées par les douanes françaises montrent que ce recul des échanges commerciaux s’est encore accentué pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone.

Ainsi, au premier semestre 2018, « les échanges bilatéraux de biens entre la France et l’Afrique de l’Ouest sont en recul [-13% en g.a. à 2,3 Mds EUR] en raison de la baisse combinée des ventes françaises à destination de la région [-5% en g.a. à 1,7 Md EUR] du fait de la baisse des ventes de produits pharmaceutiques et des achats français [-30,6% en g.a. à 562,6 M EUR] en provenance à 80% de la Côte d’Ivoire [cacao] et du Niger [uranium] », avance une note de la Direction générale du Trésor.

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