Un ex-patron du contre-espionnage met en garde contre les ingérences chinoises dans la vie politique australienne

En septembre, la députée libérale Gladys Liu a été mise sur le grill au parlement australien. Née à Hong Kong en 1964, qui était une colonie britannique à l’époque, et installée en Australie depuis 1985, la parlementaire a dû en effet s’expliquer sur sa proximité avec deux associations chinoises liées avec le Département du travail du Front uni du Comité central du Parti communiste chinois [PCC], une puissante organisation dont la mission est de renforcer l’influence chinoise à l’étranger… Mais ce n’est pas encore l’affaire la plus embêtante pour la classe politique australienne…

Promoteur immobilier devenu milliardaire, le chinois Huang Xiangmo, connu pour ses liens, là aussi, avec le PCC, a été prié de ne plus mettre le pied en Australie. Accusé de participer à la propagande chinoise, il aurait effectuait de généreux dons au Liberal Party [centre-droit] ainsi qu’au Labour Party [centre-gauche, actuellement dans l’opposition].

Ayant longtemps été à la tête de l’Australian Council for the Promotion of the Peaceful Reunification of China, accusée de chercher à faire taire les membres de la diaspora chinoise tout en disant vouloir promouvoir l’amitié sino-australienne, Huang Xiangmo a aussi financé l’Australia-China Relations Institute, un centre de réflexion dirigé par Bob Carr, un ancien ministre travailliste des Affaires étrangères, connu pour sa bienveillance à l’égard de Pékin.

Le milliardaire chinois est également au centre du scandale ayant éclaboussé le sénateur travailliste sinophile Sam Dastyari. Ce dernier, opposé à la ligne de son parti au sujet de la mer de Chine méridionale [que Pékin revendique dans sa quasi-totalité, ndlr], il avait averti Huang Xiangmo que se téléphone avait été mis sur écoute par l’ASIO [Australian Security Intelligence Organisation, contre-espionnage australien, ndlr].

Ces deux affaires illustrent l’influence que Pékin cherche à exercer sur l’Australie… Non sans succès d’ailleurs, puisque, par exemple, le port de Darwin, essentiel aux opérations de la Royal Australian Navy et de l’US Marine Corps, est passé sous contrôle chinois, malgré les avertissements adressés au gouvernement des Territoires du Nord par le ministère australien de la Défense, lequel fut mis devant le fait acompli. La construction d’une autre infrastructure portuaire est désormais envisagée…

Seulement, entre les relations économiques [la Chine est la destination de 30% des exportations australiennes et l’Australie est très prisée par les touristes chinois…] et la lutte contre cette influence, la marge de manoeuvre est étroite. Toutefois, en juin 2018, le Parlement australien a adopté une série de loi visant à contrer les ingérences étrangères… Ce qui a suscité la colère de Pékin.

« Le Parti communiste chinois s’emploie à interférer secrètement dans nos médias, nos universités et à influencer nos processus politiques et nos débats publics », avait dénoncé, à l’époque, Andrew Hastie, président du Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité.

Dans un entretien donné au Sydney Morning Herald, l’ex-patron du contre-espionnage australien [il a quitté ses fonctions en septembre, ndlr], Duncan Lewis, a été encore plus catégoriques. Ainsi, selon lui, le gouvernement chinois ne cherche rien de moins à « prendre le contrôle » du système politique australien, via des opérations « insidieuses » d’ingérence et d’espionnage.

« L’espionnage et l’ingérence étrangères sont insidieux. Ses effets peuvent ne se manifester que plusieurs décennies plus tard, quant il est alors trop tard », a expliqué M. Lewis. ‘Vous vous réveillez un jour et vous constatez que des décisions prises dans notre pays ne sont pas dans l’intérêt de notre pays », a-t-il continué.

« Quand les gens cherchaient à savoir comment définir l’ingérence étrangère dans notre système politique, je recevais le commentaire suivant : ‘Nous le saurons si nous le voyons’. Mais pas nécessairement. Pas si cela se fait correctement », a poursuivi l’ex-directeur de l’ASIO.

« Il est clair pour moi que toute personne occupant un poste politique est potentiellement une cible. Je ne cherche pas à créer de la paranoïa, mais il faut en être raisonnablement conscient », a encore estimé Duncan Lewis, pour qui l’ingérence chinoise ne concerne pas seulement la classe politique australienne mais aussi les médias, les Universités et le monde économique.

À la tête de l’ASIO pendant cinq ans, M. Lewis s’était jusqu’à présent de citer explicitement la Chine dans les affaires d’ingérence et d’espionnage. Sans doute ne fallait-il pas faire de vagues… Mais comme les relations entre Canberra et Pékin se sont détériorées [deux parlementaires australiens ont ainsi été interdit de séjour en Chine pour avoir critiqué les activités chinoises en Australie, ndlr] , il n’est sans doute plus besoin de prendre des gants…

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