Les exportations allemandes de matériels militaires ont bondi de 75% au cours des neufs premiers mois de 2019

En septembre, l’Allemagne a prolongé de six mois supplémentaires son embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, décidé après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, en Turquie, presque un an plus tôt. Et cela, malgré les difficultés que cela pose à d’autres industriels européens qui, utilisant des composants allemands, ne sont plus en mesure d’honorer des commandes passées par Riyad.

Dans le même temps, plusieurs Organisations non-gouvernementales [ONG] ont interpellé le gouvernement français sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis et demandé à ce qu’il y soit mis un terme. Ne lésinant pas sur les moyens, et à l’occasion de la « Fashion week » à Paris, Amnesty International a même lancé une campagne publicitaire intitulée « Silence, on arme! », avec une pétition à la clé.

Et pour faire bonne mesure, le média d’investigation néerlandais « Lighthouse reports« , en partenariat avec Disclose et avec le soutien de Radio France, Médiapart, Bellingcat et Arte, a publié l’enquête « #Frencharms » dont le but était de démontrer que des armes françaises étaient utilisées pour commettre des atteintes aux droits de l’Homme. Au passage, on notera que cette enquête attribue à l’Allemagne un contrat portant sur la modernisation des Mirage F1 marocains… alors qu’il avait été attribué en 2006 à ASTRAC, une co-entreprise appartenant à Thales et Sagem DS.

Ces campagnes contre les exportations françaises d’équipements militaires ont été lancées alors même que le dernier rapport sur les ventes d’armes remis au Parlement n’avait sans doute jamais été aussi fourni et que Paris n’a cessé de fournir des explications sur les procédures de contrôle mises en place, notamment via la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre [CIEMGG], rattachée aux services du Premier ministre.

« Quelles sont les intentions profondes de certaines ONG, aux financements parfois opaques, qui remettent systématiquement en question nos partenariats stratégiques? Pourquoi n’évoquent-elles jamais les drones chinois, les lance-roquettes russes livrés aux Saoudiens, ou encore les activités de certaines filiales allemandes en Afrique du Sud? », s’était interrogé le député Jean-Charles Larsonneur, lors d’une audition de la ministre des Armées, Florence Parly, en juillet dernier.

D’autant plus qu’il y aurait des choses à dire sur ce sujet, notamment en… Allemagne… Ainsi, le quotidien allemand « Die Frankfurter Allgemeine Zeitung » [FAZ] a cité des chiffres tirés d’une réponse faite à un député écologiste du Bundestag [chambre basse du Parlement] qui s’interrogeait sur les exportations d’armes. Et il en ressort que ces dernières « avancent vers un nouveau record », a titré le journal.

Et pour cause : de janvier à septembre, elle ont atteint 6,35 milliards d’euros, ce qui fait une hausse de 75% par rapport à la même période, l’an passé. Et ce qui est une performance pour un pays qui met en avant sa politique restrictive en la matière.

En 2018, les ventes d’équipements militaires allemands s’étaient élevées à 4,82 milliards d’euros. A priori, les industriels de l’armement d’outre-Rhin sont donc sur le point de connaître une année record [le précédent avait été établi en 2015, avec 7,86 milliards d’euros].

Pour rappel, les exportations françaises avaient dépassé les 9 milliards d’euros en 2018, en prenant en compte la vente de blindés de la gamme SCORPION à la Belgique [1,1 milliards d’euros] ainsi qu’une commande espagnole de 600 millions d’euros pour des hélicoptères NH-90.

S’agissant des ventes allemandes sur les 9 premiers mois de l’année, 1,77 milliard d’euros proviennent de commandes passées par la Hongrie [chars Leopard et obusier PzH 2000?]. Vient ensuite l’Égypte [800 millions], où ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS] a soufflé un contrat relatif à 6 frégates au français Naval Group.

L’ironie dans cette histoire est qu’Amnesty International et l’enquête « #FrenchArms » ont justement critiqué les ventes d’armes françaises à l’Égypte qui, par ailleurs, fait partie de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite qui intervient au Yémen contre la rébellion Houthis, soutenue par l’Iran.

En outre, parmi les gros clients de l’industrie allemande de l’armement, on trouve l’Algérie [238 millions], pays qui connaît actuellement une période agitée, le Qatar [213 millions] et… les Émirats arabes unis [206 millions], qui sont les principaux alliés de l’Arabie Saoudite au Yémen.

Ou du moins l’étaient car il a été annoncé, en juillet, qu’Abu Dhabi allait retirer une partie de ses troupes [mais en y laissant les milices formées et équipées par ces dernières]. Mais c’est justement ce retrait [ndlr, dont on ignore la réalité, faute de confirmation officielle] qui aurait conduit Berlin à autoriser l’entreprise allemande Jenoptik Power Systems à livrer des unités d’alimentation pour les batteries des systèmes américains « Patriot » utilisés par les Émirats.

« La décision du gouvernement fédéral en matière d’exportation pourrait être liée à la fois au changement de cap des Émirats dans la guerre au Yémen et à la situation de menace aggravée dans la région en raison de la crise iranienne. Des milliers d’Allemands vivent aux Émirats En outre, il existe des bases militaires des partenaires de l’Otan », explique le quotidien.

Cela étant, la Frankfurter Allgemeine Zeitung ne trouve rien à redire à ces ventes d’armes allemandes car « chercher à préserver son industrie de l’armement va dans le sens de l’intérêt national de l’Allemagne ».

Photo : frégate Meko

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