Le Pdg d’Airbus critique vivement la politique allemande en matière de vente d’armes

Le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, n’a pas confirmé l’information de l’hebdomadaire Der Spiegel, selon laquelle un accord « secret » aurait été conclu par la France et l’Allemagne au sujet des exportations d’équipements militaires, en marge de la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, en janvier.

Mais « il est vrai que nous avons intérêt à parler à nos amis français des conditions dans lesquelles les systèmes d’armes que nous développons et fabriquons ensemble peuvent également être exportés vers d’autres pays », a toutefois admis M. Altmaier. Relevant que la France et l’Allemagne ont politiques différentes en matière d’exportations d’armes, il a estimé qu’il était nécessaire de « parler de règles communes et de compromis ».

« Un accord intergouvernemental entre l’Allemagne et la France sur les questions d’exportation d’armes n’a pas encore été conclu dans la perspective du traité d’Aix-la-Chapelle », a en outre affirmé un porte-parole du gouvernement allemand, selon le Berliner TagesZeitung. Cependant, a-t-il ajouté, les deux pays ont « procédé à un premier vote politique sur les exportations d’armes liées à des projets communs », tels que le Système de combat aérien futur [SCAF] et la nouvelle génération de chars de combat.

Reste que Der Spiegel a maintenu, a priori, ses informations [l’article est toujours en ligne, ndlr], d’autant plus qu’il a apparemment eu accès au texte de cet accord présumé… Cela étant, l’existence supposée de ce dernier a été critiquée par plusieurs formations politiques.

« Une coopération européenne et franco-allemande dans le domaine de l’armement ne doit pas signifier négliger les droits de l’homme et laisser à un autre gouvernement des décisions aussi délicates que d’exporter des armes vers d’autres pays », ont estimé les écologistes Katja Keul et Franziska Brantner, avant d’appeler le gouvernement allemand à « rendre publics tous les accords auxiliaires avec la France. »

Cela étant, lors de la Conférence annuelle de Munich sur la sécurité, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a fait valoir une opinion radicalement différente. « Nous, les Allemands, ne devrions pas prétendre que nous sommes plus moraux que les Français ou plus clairvoyants que Britanniques en matière de politique des droits de l’homme », a-t-elle lancé.

Pourquoi Mme von der Leyen a-t-elle parlé des Britanniques? Tout simplement parce que la décision de Berlin de suspendre les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite, dans la foulée de l’affaire Khashoggi [ce journaliste saoudien assassiné à Istanbul, ndlr] empêche le Royaume-Uni de finaliser une commande de 48 avions de combat Eurofighter Typhoon pour les besoins de la force aérienne saoudienne.

Ce qui met Airbus, membre du consortium Eurofighter avec BAE Systems et Leonardo, dans l’embarras. Le patron de division « Defence & Space » du groupe européen, Dirk Hoke, a estimé qu’il s’agit d’un « problème grave ».

En effet, si les Typhoon destinés à l’Arabie Saoudite sont assemblés au Royaume-Uni, certains de leurs composants sont fabriqués en Allemagne, et donc soumis à des licences d’exportations délivrées par Berlin. Et cela a déclenché une « énorme réaction émotionnelle » à Londres et chez BAE Systems, a confié M. Hoke à Reuters. Et d’ajouter que cette situation est « difficile à expliquer aux clients car il n’y a pas d’embargo officiel ». Aussi, a-t-il dit, « de hauts responsables d’Airbus ont fait appel aux ministères allemands des Affaires étrangères et de l’Economie pour permettre la conclusion de cet accord ‘Eurofighter' ».

En outre, la décision allemande bloque également les exportations du missile air-air à longue portée METEOR, qui doit armer les Eurofighter de la force aérienne saoudienne étant donné que son système de propulsion est fabriqué en Allemagne. Qui plus est, elle peut même contrarier l’exportation de l’avion de transport A400M « Atlas », alors qu’Aibus espère vendre cet appareil à l’étranger.

Aussi, et après la menace de Rheinmetall de demander des comptes au gouvernement allemand pour sa décision de suspendre les livraisons d’armes destinées à Riyad, le Pdg d’Airbus, Tom Enders, est le plus en pointe sur ce sujet. « En montrant une sorte de super-élévation morale sur les exportations d’armes, l’Allemagne frustre le Royaume-Uni, la France et l’Espagne », a-t-il confié à Reuters.

Et M. Enders de prévenir : « Sans approche européenne commune, Airbus pourrait envisager de fabriquer des produits sans l’Allemagne. »

« Oui, les Français et les Allemands en parlent apparemment et essaient de trouver une nouvelle réglementation … Mais pour le moment, il n’y a aucun résultat », a ajouté M. Enders, qui n’a pas évoqué les informations de Der Spiegel à ce sujet.

« Cela fait des années que cela nous rend fous chez Airbus », a insisté M. Enders. Car même si elle a une participation infime dans la production d’un hélicoptère, par exemple, « la partie allemande se donne le droit de bloquer une vente française », a-t-il expliqué.

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