Proche de M. Poutine, le Premier ministre hongrois exprime ses doutes au sujet de l’Otan

C’est un fait peu connu de ce côté de l’Atlantique. En France, la guerre d’Indépendance des États-Unis évoque l’envoi aux côtés des insurgés américains de soldats et de marins français, emmenés par le maréchal de Rochambeau, le général La Fayette, l’amiral de Grasse ou encore le chevalier de Ternay. Mais d’autres Européens s’engagèrent, par idéal, aux côtés des troupes de Georges Washington. Ce fut le cas de 80 Hongrois, dans le colonel Michael Kovats de Fabriczy.

Cet officier tient une place importante dans l’histoire militaire des États-Unis puisqu’il est considéré comme étant l’un des fondateurs, avec le général d’origine polonaise Casimir Pulaski, dont il était l’ami, de la cavalerie américaine.

Et, lors de sa visite à Budapest, le 11 février, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, n’a pas manqué d’évoquer la figure du colonel Kovats, « mort pour la liberté », ainsi que le soutien du président Abraham Lincoln à Lajos Kossuth, un libéral qui fit voter la proclamation de l’indépendance de la république de Hongrie en 1849, ce qui lui valut l’exil après une intervention menée par l’Autriche, avec l’appui de la Russie.

Aussi, M. Pompeo a évoqué ces faits historiques pour mieux affirmer que les « Américains et les Hongrois ont toujours été unis dans la quête de la liberté ». Or, a-t-il aussi affirmé, « les Russes et les Chinois ont fini par obtenir plus d’influence » en Hongrie, alors qu’ils « ne partagent en rien les idéaux […] qui nous tiennent tant à coeur. » Et d’ajouter : « Nous ne pouvons pas laisser [le président russe] Poutine creuser des divisions entre amis dans l’Otan ». D’autant plus, a-t-il insisté, que « les Hongrois savent trop bien par leur histoire qu’une Russie autoritaire ne sera jamais un ami de la liberté et de la souveraineté des plus petites nations. »

En effet, si le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, décrit comme un « champion de la démocratie illibérale »; a vu en Donald Trump, le président américaine, une « icône », il n’en reste pas moins qu’il se dit un admirateur du chef du Kremlin. Aussi, l’influence russe en Hongrie, pays membre de l’Otan et de l’Union européenne, est très forte. « Les domaines où elle est palpable vont de la parole publique aux sphères économique et industrielle, médiatique, institutionnelle, de la société civile, et à l’identification des ennemis symboliques », a constaté Michaël Bret, un économiste, dans un article publié par la revue « Diplomatie ».

Cette influence est encore plus manifeste dans le domaine économique, en particulier dans le secteur de l’énergie, la Hongrie étant dépendante à 95% de la Russie pour son approvisionnement en gaz naturel [qui réprésente 44% de l’énergie consommée par les ménages hongrois, ndlr].

Par ailleurs, Budapest a confié à Huawei le soin de développer le réseau 5G hongrois, alors pour la mise en service de la 5G, alors que le géant chinois des télécommunications est déclaré persona non grata par la plupart des pays occidentaux en raison de risques de cyberespionnage. En outre, la Chine investit également en Hongrie. D’où la mise en garde de M. Pompeo. « Le coup de main de Pékin est parfois accompagné de conditions qui laisseront la Hongrie redevable économiquement et politiquement », a-t-il prévenu.

Cependant, s’agissant de la Russie, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a répondu à son homologue américain en qualifiant « d’énorme hypocrisie » les critiques faites par les Occidentaux envers la Russie. Et de citer, par exemple, le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui concerne Moscou et Berlin.

Reste que, dans ces conditions, la Hongrie a des relations compliquées avec la plupart des pays de l’Union européenne [UE] et l’exécutif de cette dernière. Et M. Orban a fait part d’une certaine défiance à l’égard de l’Otan, dans un entretien donné à l’hebdomadaire Figyelo.

Certes, la visite de M. Pompeo a été l’occasion de préparer un accord bilatéral de coopération militaire devant faciliter l’accès des forces américaines au territoire hongrois. Et Budapest s’est donné l’objectif d’investir l’équivalent de 2% de son PIB dans sa défense, conformément à l’engagement pris au sein de l’Otan.

Seulement, pour M. Orban, cet effort vise à financer « un processus de développement militaire de plusieurs années, au terme duquel la Hongrie disposera d’une force militaire importante grâce à laquelle elle pourra se défendre contre une attaque venant de n’importe quelle direction. » Ce programme, appelé « Zrinyi 2026 », profite d’ailleurs à l’industrie européenne de l’armement puisque Budapest a commandé 20 H145M et 16 hélicoptères H-225M « Caracal » auprès d’Airbus et 44 chars Leopard 2A7+ ainsi que 24 obusiers automoteurs PzH 2000 fabriqués par l’allemand Krauss-Maffei Wegmann.

Cela étant, M. Orban a justifié ces investissements au profit des forces hongroises en affirmant ses doutes au sujet de l’Alliance atlantique, que son pays a rejoint en 1999. « L’Otan est très importante, mais je ne crois pas qu’il faudrait fonder la sécurité militaire de la Hongrie sur l’Otan », a-t-il dit.

Et pour appuyer son propos, M. Orban a pris l’exemple de l’incendie criminel d’un centre culturel hongrois dans l’ouest urkainien, en février 2018. À l’époque, M. Szijjarto avait qualifié « d’inacceptables » les « positions extrémistes » menaçant 100.000 magyarophones vivant en Ukraine. Était aussi visé le projet des autorités ukrainiennes de limiter l’enseignement dans les langues des minorités du pays, au grand dam de Budapest, qui avait menacé d’user de son influence en sein de l’UE et de l’Otan pour entraver la cooopération avec Kiev.

Sur ce point, M. Orban a donc déploré un manque de solidarité des Alliés. « Une bombe explose dans un centre des Hongrois d’Ukraine à quelques kilomètres des frontières de l’Otan et personne ne dit mot, y compris les Etats-Unis », a-t-il fait valoir.

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