Les forces syriennes répondent à un appel à l’aide des milices kurdes, menacées par la Turquie

L’annonce du retrait américain de Syrie a été perçu comme un feu vert donné par le président Trump à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, pour lancer une offensive contre les milices kurdes syriennes [Unités de protection du peuple; YPG], actuellement engagées dans une opération visant à réduire les dernières positions tenues par l’État islamique [EI ou Daesh] sur la rive orientale de l’Euphrate, dans la province de Deir ez-Zor.

Jusqu’alors, les forces spéciales américaines [mais aussi françaises, leur présence ayant été confirmée par James Mattis, le chef sortant du Pentagone] avaient dissuadé la Turquie de s’emparer de la ville de Manbij, contrôlée par les Forces démocratiques syriennes [FDS], dont les YPG constituent l’épine dorsale. Pour rappel, ces dernières sont considérés comme terroristes par Ankara, en raison de leurs relations avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK].

Mais la décision de M. Trump a donc fait bouger les lignes. Ainsi, quelques jours après l’annonce de ce dernier au sujet de la Syrie, les forces turques ont renforcé leurs positions près de Manbij. Même chose pour les groupes rebelles syriens qui, soutenus par Ankara, contrôlent les territoires conquis à la faveur de l’opération turque « Bouclier de l’Euphrate », menée entre août 2016 et mars 2017 dans le nord de la Syrie.

« Nous en sommes aux derniers préparatifs pour la bataille de Manbij puis pour celle de l’Est de l’Euphrate », avait ainsi assuré, le 26 décembre, Youssef Hammoud, le porte-parole de la coalition rebelle al-Jaich al-Watani, soutenue par Ankara. « Nous attendons les ententes politiques entre les Etats-Unis et la Turquie concernant le retrait [américain] », avait-il continué.

Le même jour, rapporte l’AFP, Cherfane Darwich, porte-parole du Conseil militaire de Manbej [CMM], affilié aux FDS, assura que les troupes de cette coalition arabo-kurde étaient en « état d’alerte ». « Il y a un renforcement accru des renforts à la frontière, et nous surveillons cela », précisa-t-il. Et d’ajouter : « Les patrouilles de la coalition [internationale] sont toujours en place, rien n’a changé » et « nous sommes prêts à repousser toute attaque ».

Évidemment, une offensive turque menée dans le nord de la Syrie contre les FDS compliquera le combat contre l’EI tout en faisant craindre la libération de combattants jihadistes faits prisonniers au cours de ces derniers mois. D’où les critiques adressés à M. Trump, tant par les alliés des États-Unis qu’au sein même de sa propre administration.

Cependant, les plans de la Turquie risquent fort d’être contrariés après le coup de théâtre de ce 28 décembre. En effet, les milices kurdes ont appelé le régime syrien à la rescousse, en lui demandant de déployer des troupes dans les régions qu’elles contrôlent. Et cela, afin de prévenir toute offensive turque.

Les YPG « invitent les forces gouvernementales à se déployer dans les régions d’où nos troupes se sont retirées, particulièrement à Manbij et à protéger ces régions contre l’invasion turque », ont-elles fait savoir. Et cela, alors que le président syrien, Bachar el-Assad, n’était pas forcément bien disposé à leur endroit, en raison du soutien de la coalition dont elles bénéficient.

« Lorsqu’on parle de ceux qu’on appellent ‘les Kurdes’, ce ne sont pas juste des Kurdes. Tous ceux qui travaillent pour le compte d’un pays étranger, notamment sous commandement américain sont des traîtres », avait en effet déclaré Bachar el-Assad, en décembre 2017. Mais quelques semaines plus tard, Damas avait autorisé les YPG à transiter par les territoires sous son contrôle afin de leur permettre de renforcer leurs positions dans le canton d’Afrin, alors visé par la seconde offensive menée par la Turquie dans le nord de la Syrie [opération Rameau d’olivier, ndlr].

Toutefois, Damas n’a pas tardé à répondre favorablement à la sollicitation des YPG. Ainsi, peu après, l’armée syrienne a annoncé avoir fait son entrée à Manbij, un porte-parole ayant même précisé que le drapeau syrien avait été hissé dans la ville.

Alliée de la Syrie, la Russie a aussitôt réagi à cette annonce, en le jugeant très favorablement. « Bien sûr, cela va dans le sens d’une stabilisation de la situation. L’élargissement de la zone de contrôle des forces gouvernementales […] constitue sans aucun doute une tendance positive », a commenté Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Puis, il a précisé que cette question allait être abordé à l’occasion d’une visite à Moscou, le 29 décembre, des ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense. Il s’agira, a-t-il dit, « d’apporter de la clarté » et de permettre « de synchroniser les actions » entre Moscou et Ankara.

Quoi qu’il en soit, ce dernier développement a désarçonné les autorités turques. « Les organisations terroristes YPG/PKK qui contrôlent cette zone par la force des armes n’ont pas le droit ou le pouvoir de parler au nom de la population locale ou d’inviter une quelconque partie », a fait savoir, via un communiqué, le ministère turc de la Défense, avant d’assurer « suivre l’affaire de près ».

Puis le président Erdogan a d’abord affirmé que l’entrée des forces syriennes à Manbij pourrait relever d’un tour de « psychologie ». Elles « ont peut être hissé leur drapeau mais il n’y a aucune certitude sur ce qu’il se passe là-bas’, a-t-il dit. Finalement, a-t-il déclaré plus tard, « la Turquie n’aura plus de raison d’intervenir à Manbij une fois que les « organisations terroristes » auront quitté la ville. »

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