ONU : Un projet de résolution réclame des « mesures » contre l’Iran pour la violation de l’embargo sur les armes au Yémen

Dans les années 2000, les forces armées yéménites disposaient d’au moins 18 missiles SS-1 Scud B et de 90 autres engins de type Hwasong-6 (Scud-C) acquis auprès de la Corée du Nord. Quand, en 2014, les rebelles chiites Houthis s’allièrent aux partisans du président déchu Ali Abdallah Saleh pour renverser le président en exercice, Abdrabbo Mansour Hadi, ils récupérèrent l’armement des 5e et 6e brigades de missiles, après le ralliement de ces dernières.

À partir de ce moment, les rebelles furent en mesure de frapper le territoire de l’Arabie Saoudite, qui venait de prendre la tête d’une coalition arabe intervenant au Yémen pour soutenir les forces loyales au président Hadi.

Ainsi, le 29 juin 2015, un premier missile Scud-C fut tiré par les rebelles Houthis vers le territoire saoudien. D’autres suivirent par la suite. D’un point de vue stratégique, ces tirs devaient permettre de démontrer leur capacité à menacer l’Arabie Saoudite et à mettre en avant la vulnérabilité de cette dernière, ce qui a obligé Riyad à prendre des mesures coûteuses pour se prémunir de cette menace. En outre, il s’agissait aussi d’infirmer les affirmations de la coalition arabe selon lesquelles les missiles tombés aux mains des insurgés avaient été détruits par des frappes aériennes.

Seulement, les Scud-C et les Hawsong-6 sont des missiles dont la portée est insuffisante pour atteindre Riyad. Or, la capitale saoudienne fut visée par un engin balistique le 4 novembre dernier, de même que, trois plus tôt, les installations pétrolières de Yanbu (22 juillet). D’où des interrogations sur l’origine des missile tirés. Aussi, les responsables saoudiens et américains pointèrent le rôle de l’Iran. Ce qui fut évidemment démenti avec force à Téhéran.

De leur côté, les rebelles Houthis expliquèrent qu’ils avaient pu réparer et modifier des missiles endommagés par les frappes aériennes de la coalition arabe.

Mais le rapport du panel d’experts des Nations unies sur le Yémen, récemment publié, va dans le sens des accusations saoudiennes et américaines.

« Pendant la période considérée, on a recensé et confirmé quatre tirs de missiles balistiques à courte portée ayant parcouru une distance largement supérieure à ce que l’on pouvait raisonnablement attendre du type de missiles dont disposait l’alliance entre houthistes et pro-Saleh », affirment les experts de l’ONU.

S’il n’excluent pas que des « spécialistes étrangers » aient pu « fournir des conseils techniques en matière de missiles […] ou que des membres compétents des forces houthistes et pro-Saleh aient pu se former dans un pays tiers », les experts estiment qu’il est « presque certain que les forces houthistes ne disposent pas des compétences de conception ou de génie requises pour produire un nouveau type de missile balistique à courte portée. »

Quoi qu’il en soit, et après avoir examiné différentes pistes, les experts ont conclu qu’il « n’est pas possible d’alléger suffisamment » ou « d’augmenter assez la puissance » d’un missile Scud-C pour fair passer sa portée théorique de 600 km à plus de 1.000 km.

Cela étant, après avoir examiné les débris de deux missiles « Borkan-2H » tirés les 22 juillet sur Yanbu et 4 novembre sur Riyad, les experts sont arrivés à la conclusion que les rebelles Houthis disposaient d’engins Qiam-1 de conception iranienne modifiés de manière à augmenter leur portée.

« La portée opérationnelle standard d’un missile Qiam-1 s’établit entre 750 kilomètres et 800 kilomètres, contre plus de 1 000 kilomètres pour le missile examiné. Le Groupe d’experts conclut qu’il ne s’agit pas d’un missile balistique Qiam-1 à courte portée mais d’un modèle dérivé conçu par les fabricants du Qiam-1 pour être plus léger et atteindre ainsi une portée allongée à plus de 1.000 kilomètres », lit-on dans le rapport. D’autant plus que, sur les débris du missile tiré le 4 novembre, « trois logements de déviateurs de jet étaient marqués d’un symbole ressemblant fortement au logo du groupe Shahid Bagheri Industries », basé en Iran.

« La qualité inégale de l’assemblage et des soudures qu’a observée le Groupe d’experts révèle que les composants de l’engin ont été transférés sous forme de système modulaire et que les ingénieurs des forces de l’alliance entre houthistes et pro-Saleh ont dû assembler les missiles et en tester eux-mêmes les fonctionnalités avant de pouvoir les déployer et les utiliser », poursuit le document. En clair, les rebelles les ont reçus en pièces détachées, ce qui était plus facile pour leur transport.

Aussi, il ne fait guère de doute pour les experts que les missiles et l’équipement militaire nécessaire à leur lancement ont été « introduits au Yémen après la mise en place de l’embargo ciblé sur les armes. » De même que pour des drones Ababil-T (Qasef-1), également de facture iranienne.

L’Iran « agit en violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 du Conseil de sécurité, n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente et le transfert directs ou indirects, à l’ancienne alliance des houthistes et pro-Saleh, de missiles balistiques à courte portée Borkan-2H, de citernes de stockage de diergols liquides pour missiles et de véhicules aériens téléguidés Ababil-T », accuse le groupe d’experts.

Sur la base de ce rapport, le Royaume-Uni a l’intention de soumettre au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution visant à condamner Téhéran pour avoir enfreint l’embargo sur les armes imposé au Yémen et à réclamer des sanctions. Ce texte, soutenu par la France et les États-Unis, précise que ces « violations (…) requièrent une réaction supplémentaire de la part du Conseil; et des mesures supplémentaires pour tenir compte de ces infractions. »

Reste à voir ce que feront Pékin et Moscou, proches de l’Iran. Fin janvier, l’ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vassily Nebenzia, avait fait part de ses doutes sur la provenance des missiles tirés par les rebelles Houthis, ce qui laisse penser que la Russie s’opposera, grâce à son droit de veto, à toute nouvelle sanction visant Téhéran.

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