L’Espagne veut augmenter ses dépenses militaires de près de 75% d’ici 2024

En 2008, et en raison, notamment, de l’éclatement de sa bulle immobilière, l’Espagne fut touchée de plein fouet par la déflagration financière liée à l’affaire des subprimes ainsi que, plus tard, par la crise de la zone euro. Conséquences : l’activité étant en berne, son déficit public explosa, de même que sa dette (99,4% du PIB fin 2016) et son taux de chômage (18,6%).

Dans ce contexte, et sous l’effet des plans de rigueur, les dépenses militaires espagnoles dégringolèrent. Actuellement, leur montant est de 10,4 milliards d’euros, soit l’équivalent de 0,86% de la richesse nationale. Un niveau très éloigné des 2% du PIB que l’Espagne s’est pourtant engagée à atteindre en 2024, lors du sommet de l’Otan de Newport.

Dans le même temps, les forces armées espagnoles sont très sollicitées pour intervenir sur des théâtres extérieurs. En 2017, Madrid a déboursé 834,9 millions d’euros pour financer pas moins de 17 missions militaires à l’étranger, soit 8,2% de plus qu’en 2016.

L’armée espagnole est en effet engagée au Liban [FINUL, Nations unies] ainsi qu’en Irak [coalition anti-jihadiste]. En outre, elle participe à plusieurs missions de l’Union européenne [Mali, Centrafrique, Bosnie et Somalie] et de l’Otan, en Méditerranée, dans les pays baltes, en Afghanistan et en Turquie, où elle a déployé des batteries de défense aérienne Patriot. Enfin, l’Espagne soutient les opérations françaises au Sahel avec des détachements aériens au Sénégal et au Gabon.

Cette année, les dépenses liées aux opérations extérieures vont de nouveau augmenter pour atteindre 1,1 milliard d’euros (pour 2.500 militaires déployés). Du moins est-ce l’estimation de Maria Dolores de Cospedal, la ministre espagnole de la Défense. En outre, l’Espagne assurera le commandement de l’EUTM Mali, la mission de l’UE destinée à former l’armée malienne. Ce qui suppose une hausse des effectifs, ces derniers devant passer de 140 à 292 militaires.

« En ce moment, nous assistons au Mali à une nouvelle dégradation de la situation sécuritaire, les attaques sont constantes contre les institutions maliennes, contre la mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) et contre les intérêts et le personnel occidentaux », a justifié Mme Cospedal, lors d’une audition devant les députés espagnols, le 24 janvier.

Cela étant, il faut également assurer la modernisation des capacités des forces espagnoles. En effet, il faut, entre autre, préparer le remplacement des frégates Santa María par celles de la classe F-110, la mise en service des sous-marins S-80 (dont le développement se fait dans la douleur) et songer au renouvellement des avions de combat (en particulier les EAV-8B Harrier II).

D’où l’annonce faite par Mme Cospedal. Ainsi, l’objectif de Madrid, qui peut s’appuyer sur une économie en meilleure santé, est de porter les dépenses militaires à 18 milliards d’euros d’ici 2024, soit une hausse de 73%.

« L’effort budgétaire programmé reflète une nette augmentation de la dépense pour la Défense qui (…) se situerait autour de 1,53% du PIB », a indiqué Mme Cospedal. Un niveau toutefois largement en deçà de l’engagement pris par l’Espagne auprès de l’Otan.

Reste à voir si le gouvernement emmené par Mariano Rajoy sera en mesure de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif. Car l’opposition n’a pas manqué de critiquer cet effort en faveur des forces armées espagnoles. En effet, la députée Ana Botella (PSE, socialiste) a « demandé des explication au sujet de cet engagement pris envers l’Otan » d’augmenter les dépenses militaires, alors que « les familles dont le quotidien est marqué par les difficultés et la précarité » et que les « politiques d’austérité ont affaibli les prestations sociales et les services publics. »

En tout cas, la bataille s’annonce serrée. Faute de soutiens au Parlement, le gouvernement Rajoy n’a pas été en mesure de faie adopter le budget 2018, l’obligeant ainsi à proroger celui de 2017.

Photo : Ejército de Tierra

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