Passe d’armes entre Paris et Téhéran au sujet du programme iranien de missiles balistiques

La résolution 2231 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour entériner l’accord de Vienne relatif aux activités nucléaires iraniennes précise que l’Iran est « tenu de ne pas entreprendre d’activité liée à des missiles balistiques capables de transporter des armes nucléaires » et de s’abstenir de tout tir recourant la technologie des missiles balistiques pendant une période de huit ans.

Depuis, l’Iran a pourtant poursuivi ses activités dans ce domaine, ce qui s’est traduit par l’apparition d’un nouveau type de missile, le Khorramshahr, dévoilé en septembre dernier. Selon Téhéran, cet engin, serait en mesure de « frapper toute cible se trouvant à une distance de 2 000 kilomètres dont les différentes localités d’Israël et les installations gazières de ce régime, en cas du déclenchement d’une guerre.

Mais au-delà du développement de nouveaux engins, la possible prolifération de missiles de facture iranienne, comme cela est fortement soupçonné au Yémen, préoccupe, surtout après une attaque déjouée contre Riyad, la capitale de l’Arabie Saoudite.

« Le missile tiré depuis le Yémen qui est manifestement un missile iranien montre la force de l’activité balistique et leur activité dans toute la région sur le plan balistique est aujourd’hui extrêmement préoccupante », a ainsi affirmé, le 9 novembre, le président Macron, qui, contrairement à son homologue américain, Donald Trump, ne souhaite pas revenir sur l’accord de Vienne, conclu le 14 juillet 2015.

Trois jours plus tard, le ministère iranien des Affaires étrangères a répondu au président français en faisant valoir que « l’accord sur le nucléaire n’est pas négociable et que l’on n’y greffera pas d’autres sujets. » Et d’insister : « La France a pleinement conscience de la position de fermeté de notre pays, à savoir que les questions de défense de l’Iran ne sont pas négociables. »

Une semaine plus tard, lors d’un déplacement à Riyad, Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française, est revenu à la charge. « Nous avons évoqué le rôle de l’Iran et les différents domaines dans lesquels les actions de ce pays nous inquiètent », a-t-il dit, le 16 novembre, aux côtés de son homologue saoudien Adel Joubeïr. « Je pense en particulier aux interventions de l’Iran dans les crises régionales, à cette tentation hégémonique et je pense à son programme balistique », a-t-il précisé.

Des propos qui ont été mal accueillis à Téhéran. « Vos inquiétudes ne sont pas conformes à la réalité régionale et elles vous conduisent dans la mauvaise direction », a rétorqué, le lendemain, Bahram Qasemi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. « Malheureusement, il semble que la France a un regard partial et partisan sur les crises de la région et cette approche, volontairement ou involontairement, aide même à transformer des crises potentielles en crises réelles », a-t-il ajouté.

Cette déclaration a donné lieu à une réponse ferme du président Macron. « Le rôle de la France est de parler à tout le monde, nous avons des alliés privilégiés, des partenaires stratégiques (…) mais il est important que nous discutions avec tout le monde », a-t-il expliqué, en marge d’un sommet européen Göteborg, en Suède. « C’est à cette ligne que je me tiendrai, donc dans ce cadre je considère que la réaction iranienne méconnaît la position française » et « tout le monde a intérêt à garder beaucoup de calme », a-t-il ajouté.

Mais M. Macron a fait plus que répondre à Téhéran : il a une nouvelle fois évoqué le programme de missiles balistiques iraniens. « Notre souhait est que l’Iran ait une stratégie régionale moins agressive et que nous puissions clarifier sa stratégie balistique qui apparaît comme non maîtrisée », a-t-il lancé.

Ce qui a froissé, à nouveau, Téhéran, qui a usé de termes un peu moins diplomatiques. « Sur les questions de défense et du programme balistique, nous ne demandons la permission à personne (…) En quoi cela regarde Macron? Qui est-il pour s’ingérer dans ces affaires? » a déclaré Ali Akbar Velayati, le conseiller du guide suprême Ali Khamenei pour les affaires internationales.

« S’il veut que les relations entre l’Iran et la France se développent, il doit essayer de ne pas s’ingérer dans de telles affaires, car c’est contraire aux intérêts nationaux », a poursuivi M. Velayati. Et, évidemment, le programme balistique iranien n’est pas négociable, a-t-il répété.

Ces passes d’armes peuvent avoir un impact sur les relations économiques entre la France et l’Iran. Ainsi, Peugeot et Renault ont signé des contrats avec des Téhéran, de même que Total, qui a conclu un accord de 5 milliards de dollars pour l’exploitation d’un gisement de gaz, conjointement avec le groupe chinois CNPC.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]