L’Otan crée deux commandements pour renforcer sa dissuasion à l’égard de la Russie

Selon un récent rapport, l’Otan ne serait pas en mesure de faire face à une éventuelle agression de la Russie sur son flanc oriental (pays baltes et Pologne) en raison d’infrastructures inadaptées chez certains Alliés, de lacunes dans le domaine du transport, d’un manque de plots logistiques et de problèmes bureaucratiques.

Or, en cas d’incident « majeur » dans les pays baltes, il faudrait que l’Otan y envoie « 7 divisions […] pour éviter une défaite dans la région », selon le général Petr Pavel, le président du comité militaire de l’Alliance.

Pour remedier à cette situation, l’Otan va donc créer deux nouveaux commandements, ce qui mettra fin à une quinzaine d’années d’amaigrissement de ses structures, et donc à la déflation de ses effectifs.

Actuellement, l’Otan compte 7 commandements (les deux principaux étant l’Allied Command Operations et l’Allied Command Transformation) mis en oeuvre par 6.800 militaires, contre 33 (avec 22.000 hommes) à l’époque de la Guerre Froide.

Cette réorganisation va donc inclure « un nouveau commandement pour aider à protéger les routes de communication maritimes entre l’Amérique du Nord et l’Europe et un autre commandement pour améliorer le mouvement de troupes et d’équipements au sein de l’Europe », a en effet indiqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « Notre capacité à déplacer des forces est essentielle pour la dissuasion et notre défense collective », a-t-il fait valoir.

De son côté, la représentante des États-Unis auprès de l’Otan, Kay Bailey, a souligné que les Alliés ont vu qu’ils avaient « besoin de plus de dissuasion contre l’empiètement russe à l’Est après [l’annexion de] la Crimée ». Et d’ajouter : « C’est pour cette raison que nous avons commencé à regarder (…) ce que nous devions faire pour être plus efficaces » en termes de commandement. »

Le commandement chargé d’améliorer « le mouvement de troupes et d’équipements au sein de l’Europe » aura donc surtout la mission de faciliter l’envoi de renforts vers l’Est. « Nous devons nous assurer que nos routes et nos ponts sont assez solides pour supporter nos véhicules les plus gros, et que les réseaux ferrés sont équipés pour le déploiement rapide de tanks et d’équipements lourds », a expliqué M. Stoltenberg.

Quant à celui qui sera dédié à la protection des routes maritimes dans l’Atlantique-Nord, il est impropre de parler de « création » stricto sensu puisqu’il a déjà existé.
En effet, le Commandement allié Atlantique (SACLANT) était l’un des deux commandements suprêmes de l’Otan, avant d’être remplacé, en 2003 par l’Allied Command Transformation, actuellement dirigé par le général français Denis Mercier.

La mission du SACLANT, alors basé à Norfolk, était de protéger les lignes maritimes de l’Otan entre l’Amérique du Nord et l’Europe dans une zone de responsabilité allant du pôle Nord au Tropique du Cancer.

« Il est clair que l’Atlantique Nord, en raison des multiples activités marines et sous-marines des uns et des autres, est l’une des zones stratégiques », a commenté un diplomate auprès de l’AFP.

L’on peut penser que la mission de ce commandement ne se limitera pas seulement à la protection des voies maritimes entre l’Amérique du Nord et l’Europe et qu’il s’intéressera à la région Arctique, où la Russie accroît sa présence militaire. Au point que son aptitude à y planifier et à y conduire des opérations a significativement augmenté au cours de ces dernières années. De même que sa capacité à en interdire l’accès. « Ils peuvent désormais mener une gamme complète d’opérations dans une bonne partie de cette région », estime l’Otan.

D’ailleurs, un projet de rapport de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, diffusé en août 2017 [.pdf], insiste sur ce point. « La préservation des lignes de communication maritimes, plus spécialement en période de crise ou en temps de guerre, est essentielle pour la sécurité de l’Alliance dans son ensemble. Cependant, l’évolution de l’environnement sécuritaire dans l’Atlantique Nord influe aussi sur la situation dans la région arctique, toute proche, où la Russie rénove d’anciennes infrastructures militaires ou en construit de nouvelles, installations qui peuvent servir à des missions de recherche et de sauvetage, à des tâches de police ordinaires ou à des opérations militaires. »
Et son auteur d’ajouter : « On peut donc se demander si l’Otan ne devrait pas renforcer sa connaissance de la situation également dans l’Arctique. »

Au-delà de cet aspect, la création de ce « nouveau SACLANT » vise aussi à prendre en compte la menace sous-marine. Là encore, la marine russe, via la Flotte du Nord, est bien pourvue puisqu’elle disposerait, pour la région de l’Atlantique-Nord et celle de l’Arctique, de 38 navires de surface ainsi que de 9 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, de 4 sous-marins nucléaires lance-missiles, de 13 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et de 7 sous-marins d’attaque à propulsion diesel-électrique.

Signe que les temps ont changé depuis 2002 : l’Islande, stratégique du temps de la Guerre Froide, a retrouvé tout son intérêt militaire, avec le déploiement, à nouveau, d’avions de patrouille maritime américains sur la base de Keflavik.

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