La force Barkhane soupçonnée d’avoir commis une bavure, l’État-major des armées fait une mise au point

Le 26 octobre, le porte-parole de l’État-major des armées, le colonel Patrick Steiger, donna le bilan d’une opération « d’opportunité » conduite quelques jours plus tôt par la force Barkhane contre un camp jihadiste situé dans la région d’Abeïbera, au Mali, près de la frontière algérienne.

« La découverte d’une katiba terroriste dans la région d’Abeïbara a entraîné le déclenchement d’une action combinée entre les forces spéciales françaises et des soldats de l’opération Barkhane », expliqua l’officier. L’intervention au sol avait été précédée par une frappe aérienne effectuée par une patrouille de Mirage 2000. Au total, 15 jihadistes furent mis « hors de combat » (c’est à dire tués, blessés ou capturés).

Plus tard, le « Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin » (ou Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans, GSIM), l’organisation dirigée par Iyad Ag Ghali et visée par ce raid, contre-attaqua sur le terrain médiatique en publiant un communiqué et des photographies présentées comme étant celles de 11 militaires maliens qu’elle détenait.

« L’armée française croisée injuste a procédé à 03H00 du matin (dans la nuit du 23 au 24 octobre) avec un avion de type « Mirage » à un raid aérien entrainant la mort des onze prisonniers de l’armée malienne qui se trouvaient sur place sous la surveillance d’un groupe de moujahidine », affirma le GSIM.

En réponse, l’État-major des armées (EMA) se borna à affirmé qu’il ne commentait pas la propagande jihadiste. Seulement, l’affaire prit de l’ampleur quand les autorités maliennes, du moins ce qu’en rapporta l’AFP, donna du crédit aux affirmations du GSIM en évoquant une opération française « au cours de laquelle des militaires maliens, détenus par des terroristes, trouvèrent la mort. »

Et, toujours selon l’AFP, des sources militaires maliennes indiquèrent avoir identifié, parmi les tués, les 11 soldats portés disparus à la suite de plusieurs attaques jihadistes commises entre juillet 2016 et mars 2017.

De son côté, le GSIM affirma qu’il était « prêts à fournir les corps afin de prouver leur identité » et de les autopsier par une « instance neutre. » Cela étant, une photographie ne dit rien des circonstances dans laquelle elle a été prise. En clair, elle ne prouve pas grand chose…

Comment ce groupe terroriste pourrait-il détenir les corps de ces soldats maliens si, effectivement, ces derniers ont été tués lors de l’opération menée par la force Barkhane? Leurs dépouilles ont-elles été laissées sur place? Et l’on peut supposer que des photographies des jihadistes tués à Abeïbera ont aussi été prises par les militaires français afin de les identifier.

C’est ainsi que, dans une mise au point publiée le 7 novembre au soir que l’EMA a indiqué qu’un « lieutenant d’Iyad Ag Ghali, spécialisé dans le recrutement et la formation des terroristes d’Ansar Dine » figurait parmi les 15 jihadistes mis hors de combat.

Dans son communiqué, et alors que les forces armées maliennes (FAMa) n’évoquent pas cette affaire sur leur site Internet, l’EMA précise qu’un entretien a eu lieu le 7 novembre entre le commandant de la force Barkhane, le général Bruno Guibert, et le chef d’état-major malien pour évoquer l’opération d’Abeïbera.

Cet « entretien faisait suite à une première réunion de travail tenue le 31 octobre. Il a permis aux forces françaises de faire un point sur les éléments confirmant la caractérisation formelle de ce campement et son identification sans erreur possible comme un camp d’entraînement terroriste, du fait d’un travail précis de renseignement militaire », a expliqué l’EMA.
En outre, a-t-il continué, « il a également été proposé aux autorités militaires maliennes l’appui de la force Barkhane dans le cas où ces dernières souhaiteraient réaliser une mission de recueil d’information sur le site. »

L’une des caractéristiques « de nos engagements actuels est la prévalence toujours plus marquée des perceptions sur les réalités », a récemment avancé le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre. « Il n’y a là rien de bien nouveau et que la désinformation a une longue histoire. Mais à l’heure de l’instantanéité de l’information, des médias sociaux, des médias alternatifs voire de la politique ‘post-vérité’ et des fake news, il me semble que jamais les émotions, les idéologies et les croyances personnelles n’ont eu autant d’influence sur l’opinion publique, au détriment des vérités de fait », a-t-il dit. Comme pour l’opération d’Abeïbera?

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