Pour quelle raison le capitaine Guynemer appelait-il ses avions « Vieux Charles »?

« Héros légendaire » à la « ténacité indomptable », à « l’énergie farouche » et au « courage sublime », le capitaine Georges Guynemer tombait « en plein ciel de gloire » le 11 septembre 1917. L’as aux 53 victoires aériennes homologuées (et 29 qui ne le furent pas) ne revint en effet pas d’une mission au-dessus de Poelkapelle (Belgique).

D’après le témoignage de son co-équipier, Jean Bozon-Verduraz, la trace du capitaine Guynemer se perdit quand ce dernier fonça sur un Rumpler, un avion d’observation allemand. L’épave de son Spad XII ne fut jamais officiellement retrouvée. Ni sa dépouille.

La carrière militaire de Geoges Guynemer avait commencé trois ans plus tôt. La guerre ayant éclaté, le jeune homme n’a qu’une obsession : se battre. « Trop chétif », lui répondent les médecins militaires, qui le réforment. Mais comme il le dira plus tard, « lorsque l’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné. » Son père fait jouer ses relations pour lui permettre de s’engager. Rien n’y fait.

Finalement, il réussit à rejoindre l’armée au titre du service auxiliaire, en qualité de mécanicien « d’aéroplane », à l’école de pilotage fr Pau. Mais cela ne lui suffit pas : il veut piloter. Mais, réglementairement, cela lui est interdit. Mais son chef, le capitaine Bernard-Thierry, devant sa détermination, va prendre sur lui et se jouer du réglement. C’est ainsi que, grâce à Jules Védrines, Georges Guynemer obtiendra son brevet de pilote militaire en avril 1915. Après avoir tout de même cassé beaucoup de bois…

Promu sergent, le jeune pilote ne perdra pas de temps. Affecté à l’escadrille MS3, il obtient sa première victoire aérienne le 19 juillet 1915, à bord d’un Morane Saulnier Parasol, portant le nom de « Vieux Charles », comme tous les avions que pilotera Guynemer par la suite (Nieuport X, Nieuport XVII, Spad VII, Spad XIII).

Dans un numéro de la revue Icare, Pierre Roehr, qui fut mécanicien à l’escadrille des Cigognes, raconte :

« Quant à l’histoire du Vieux Charles, elle est, à mon avis, assez claire et ne doit guère prêter à discussions. Tout a été dit à ce sujet, soulevant les hypothèses les plus variées […] Pour les uns, Guynemer avait choisi ce nom parce qu’il lui rappelait un vieux camarade d’enfance et de collège. Pour les autres, c’était Charles Guerder, premier mécanicien de Guynemer, qui avait voulu peindre son prénom sur l’avion du ‘patron’ pour lui porter chance. En fait, c’est un pilote, Charles Bonnard, qui baptisa son avion […] de son prénom. Bonnard avait Charles Guerder pour mécanicien. Lorsqu’il partit pour les Dardanelles, Guerder devint le mécanicien de Guynemer. Le futur grand as accomplit ses premiers vols sur le ‘Vieux Charles’ de Bonnard, ce qui lui porta bonheur : c’est avec ce Morane Saulnier qu’il remporta […], avec Guerder, sa première victoire en abattant un Aviatik. »

Superstition? Désir de marquer sa singularité ou la continuité en conservant ce nom qui lui avait si bien réussit? Nul ne le saura jamais. En en tout, cette victoire homologuée obtenue ce 19 juillet 1915 sera annonciatrice d’exploits qui vaudront au jeune aviateur 20 citations, la médaille militaire, la rosette et tous les honneurs que l’on pouvait imaginer à l’époque.

Mais pour devenir un as, Georges Guynemer devra obtenir une cinquième victoire. Il l’aura le 3 février 1916. Au total, il comptera 25 avions ennemis abattus à la fin de cette année-là, puis 53 au moment de sa disparition. Son statut lui donne même un droit de regard sur la mise au point des nouveaux avions. Ainsi, la SPAD prendra en compte ses remarques sur la puissance – qu’il jugeait insuffisante – du moteur des SPAD VII.

« Officier d’élite, pilote de combat aussi habile qu’audacieux. A rendu au pays d’éclatants services, tant par le nombre de ses victoires que par l’exemple quotidien de son ardeur toujours égale et de sa maîtrise toujours plus grande. Insouciant du danger, est devenu pour l’ennemi, par la sûreté de ses méthodes et la précision de ses manœuvres, l’adversaire redoutable entre tous », mettra en avant la citation accompagnant la Croix d’Officier de la Légion d’honneur que lui remettra le général Franchet d’Espèrey en juillet 1917.

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