Le président Trump décide d’envoyer des renforts en Afghanistan et met la pression sur le Pakistan

En mars dernier, le mouvement taleb afghan prétendit qu’il contrôlait quatre des 18 districts de la province méridionale de Kandahar et qu’il disputait le contrôle de ceux d’Arghastan, de Khakrez, de Maruf, de Maiwand et de Shah Wali Kot.

Depuis, le taliban ont apparemment progressé puisque dans une vidéo diffusée le 16 août via leur site Internet officiel, ils ont revendiqué la prise de Khakrez et de Shah Wali Kot. Le 26 juillet, le premier district a en effet été le théâtre d’un grande offensive contre le camp militaire de Karzali.

« Des centaines de taliban sont arrivés à bord d’un convoi d’une trentaine de véhicules et ont attaqué la base en plusieurs points. Les combats ont duré des heures », a ainsi raconté un témoin, selon l’AFP. Et l’armée nationale afghane (ANA) y a subi des pertes importantes (26 morts, 13 blessés et huit prisonniers sur les 82 soldats présents dans le camp).

Cependant, le ministère afghan de la Défense a assuré que cette attaque avait été repoussée « avec bravoure », avec plus de « 80 terroristes tués ». De son côté, le mouvement taleb a prétendu le contraite, avançant le bilan de 70 morts dans les rangs de l’ANA.

Quoi qu’il en soit, et au-delà des bilans « gonflés » pour les besoins de la propagande, le camp Karzali semble bien être passé sous le contrôle des taliban, au regard de la vidéo qu’ils ont diffusée. L’on y voit des soldats afghans prisonniers ainsi qu’une grande quantité d’armes (mitrailleuses, fusils M-16 et AK-47, etc), de munitions et de matériels (comme des lunettes de vision nocturne) dans les mains des insurgés.

Cette affaire montre, s’il en était encore besoin, les difficultés qu’a l’ANA à tenir le terrain. Plusieurs maux ronge cette dernière, comme la corruption, les lacunes capacitaires ou encore les défaillances du commandement. Et cela, malgré la mission de formation et d’entrainement « Resolute Supporte » conduite par l’Otan. Seules les forces spéciales afghanes arrivent à obtenir des résultats probants. Mais, fortes de 21.000 hommes, elles ne représentent que 7% des effectifs militaires et policiers alors qu’elles sont engagées dans 70% à 80% des combats.

Qui plus est, outre le mouvement taleb, il faut aussi compter sur la présence de la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique (EI-Khorasan ou EI-K) qui, malgré les frappes américaines contre son appareil dirigeant, continue de gagner en influence.

Aussi, la nouvelle stratégie des États-Unis pour l’Afghanistan était attendue. Devant être initialement dévoilée à la mi-juillet, elle a fait l’objet de beaucoup de spéculations, avec deux approches concurrentes. La première, « classique » et défendue par le Pentagone, consistait à renforcer le contingent américain (8.500 soldats) déjà présent dans le pays.

Proposée par Erik Prince, le fondateur de Blackwater (aujourd’hui Academi), la seconde option avait l’oreille de plusieurs conseillers du président Trump (dont Steve Bannon, qui vient de quitter la Maison Blanche). Elle prévoyait un retrait des forces engagées et un recours aux sociétés militaire privées (SMP), lesquelles auraient fourni 5.500 « contractors » et 90 avions d’une force aérienne privée.

Finalement, c’est le Pentagone qui a gagné la « partie ». Le 21 août, dans un discours d’une vingtaine de minutes, le président Trump a en effet exclu tout retrait d’Afghanistan afin de ne pas créer un « vide » qui profiterait aux organisations terroristes [ndlr, al-Qaïda a fait allégeance au mouvement taleb].

« Mon instinct initial était de se retirer (…) mais les décisions sont très différentes lorsque vous êtes dans le Bureau ovale », a ainsi reconnu M. Trump. En janvier 2013, il avait pourtant plaidé pour un retrait des troupes américaines d’Afghanistan. « Nos troupes se font tuer par des Afghans que nous entraînons et nous gaspillons des milliards là-bas. Absurde! Il faut reconstruire les USA », avait-il lancé sur Twitter.

Pour autant, le locataire de la Maison Blanche n’a pas précisé le volume des forces qu’il entendait envoyer en Afghanistan, ni donné une quelconque échéance dans le temps. C’est « contre-productif », a-t-il dit. Toutefois, un renfort de 3.900 militaires est avancé officieusement depuis plusieurs semaines.

Cela étant, M. Trump n’a nullement l’intention de signer un chèque en blanc à Kaboul [après 110 milliards de dollars d’aides à la reconstruction en 16 ans, ndlr]. « Notre engagement n’est pas illimité. […] Les Américains veulent de vraies réformes et de vrais résultats », a-t-il dit. En outre, il a aussi laissé la porte ouverte à un dialogue avec une partie des insurgés. « À un moment donné, après un effort militaire efficace, peut-être qu’il sera possible d’avoir une solution politique incluant une partie des talibans en Afghanistan. […] Mais personne ne sait si ou quand cela arrivera », a-t-il déclaré.

Enfin, si les taliban ont pu faire le dos rond quand plus de 100.000 militaires de l’Otan étaient déployés en Afghanistan, c’est parce qu’ils ont pu bénéficier de bases arrière au… Pakistan. Et le double jeu pakistanais, via son puissant service de renseignement (ISI, Inter Service Intelligence), fit sortir de ses gonds l’amiral Mullen, alors chef d’état-major interarmées américain en 2011.

D’où la sortie du président Trump à l’égard d’Islamabad. « Le Pakistan a beaucoup à gagner en collaborant à nos efforts en Afghanistan. Il a beaucoup à perdre en continuant à abriter des terroristes. Cela doit changer et cela va changer immédiatement! », a-t-il lancé.

En juillet, le Pentagone avait déjà pris les devants en suspendant une aide militaire de 50 millions de dollars destinée au Pakistan, estimant que ce pays n’en faisait pas assez (voire qu’il ne faisait rien du tout) contre le réseau Haqqani, lié au mouvement taleb afghan et installé dans une région tribale pakistanaise. Ce dernier est considéré comme étant le « bras armé » de l’ISI, accusé par ailleurs de mener une « guerre par procuration » en Afghanistan.

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