Afghanistan : La Chine prend la défense du Pakistan après les propos de M. Trump

Pour s’assurer d’une profondeur stratégique face à l’Inde, le Pakistan a soutenu le mouvement taleb afghan dans les années 1990. Et leur puissante service de renseignement, l’Inter Service Intelligence (ISI) entretient des liens avec le réseau Haqqani, une composante des taliban installée dans les régions tribales pakistanaises.

Mieux encore : les milliards de dollars versés par Washington à Islamabad au nom de la « guerre contre le terrorisme » furent détournés pour financer le programme nucléaire pakistanais. L’on comprend pourquoi Oussama Ben Laden, le chef d’al-Qaïda, a pu couler des jours tranquilles à Abbottabad…

Pourtant, le Pakistan est aussi le théâtre d’attentats sanglants… mais commis par le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), la branche pakistanaise du mouvement taleb. D’où les opérations militaires lancées par Islamabad contre cette organisation.

En 2010, devant l’insistance de l’Otan et des États-Unis, le porte-parole de l’armée pakistanaise, qui était alors le général Athar Abbas, avait eu un moment de franchise en affirmant qu’Islamabad refusait de faire l’amalgame entre les taliban afghans et ceux du TTP. « Tout n’est pas blanc ou noir », avait-il lancé.

D’ailleurs, en mars 2016, Sartaj Aziz, alors conseiller aux Affaires étrangères du Premier ministre Nawaz Sharif, vendit la mèche. « Nous avons de l’influence sur eux, car leur direction est au Pakistan, et ils y sont soignés, leur famille est là », avoua-t-il devant le Council of Foreign Affairs (CFR), à propos des taliban afghans. Et de justifier la conduite d’Islamabad : « Nous pouvons donc utiliser ces moyens de pression pour leur dire ‘venez à la table' » des négociations.

D’où la « sortie » remarquée du président Trump au sujet des autorités pakistanaises quand il a précisé ses intentions pour l’Afghanistan. Le Pakistan, « souvent un refuge pour les agents du chaos, de la violence et de la terreur », a « beaucoup à perdre s’il continue à abriter des criminels et des terroristes. […] Cela doit changer et cela va changer immédiatement! », a-t-il dit.

Seulement, la Chine, qui a d’autres sujets de contentieux avec les États-Unis, n’a pas apprécié les propos du président Trump. Le Pakistan « a fait de grands sacrifices et a apporté de grandes contributions à la lutte contre le terrorisme », a en effet rétorqué Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « La communauté internationale devrait entièrement soutenir les efforts du Pakistan », a-t-elle insisté.

Cette défense d’Islamabad par Pékin n’a rien de surprenant. Le Pakistan est un allié stratégique de la Chine et il occupe une place importante dans le projet chinois des « nouvelles routes de la soie ».

C’est en effet par le Pakistan que doit passer des liaisons routières et énergétiques devant relier la Chine à la mer d’Arabie, via le port de Gwadar, au Balouchistan. Pour cela, Pékin a annoncé plus de 50 milliards de dollars d’investissements dans le cadre de ce « corridor économique sino-pakistanais » (CPEC).

Une autre raison de soutien chinois au Pakistan concerne l’Inde, pays avec lequel la Chine a plusieurs différends territoriaux dans l’Himalaya. En outre, on s’inquiète, à New Delhi, du projet nourri à Pékin de détourner les eaux du Brahmapoutre (Yarlung Zangbo pour les Chinois).

Et cette rivalité sino-indienne se retrouve dans les réactions aux annonces de M. Trump au sujet du dossier afghan. « Nous saluons la détermination du président Trump à renforcer les efforts pour surmonter les défis auxquels est confronté l’Afghanistan », a ainsi déclaré le ministère indien des Affaires étrangères. « L’Inde partage ces inquiétudes et ces objectifs », a-t-il ajouté, avant de préciser qu’il entendait « poursuivre ses efforts » dans la région.

L’an passé, New Delhi a offert une aide d’un milliard de dollars à Kaboul. Et, l’Inde est le 5e pourvoyeur d’aide internationale de l’Afghanistan. De quoi inquiéter le Pakistan qui se verrait pris en étau entre ces deux pays.

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