Pour l’ONU, la Libye fait face à des « développements militaires dangereux »

haftar-20150303En 2014, le Parlement libyen sortant – le Congrès général national (CGN), dominé par les islamistes – refusa les résultats des élections législatives organisées en juin de cette année-là. Et cela donna donc lieu à la formation de deux gouvernements rivaux ainsi qu’à des combats entre milices des deux camps pour s’assurer du contrôle de Tripoli. Et l’État islamique en profita – comme d’ailleurs d’autres organisations jihadistes – pour tisser sa toile dans le pays.

À Tripoli, le gouvernement en place, soutenu par le CGN et la milice Fajr Libya, n’était alors pas reconnu par la communauté internationale, à la différence de celui replié dans la région de Tobrouk, dans la mesure où il était issu d’un Parlement légitimement élu.

Seulement, en décembre 2015, les cartes furent rebattues. Á l’initiative des Nations unies, et après avoir obtenu un accord entre les deux parties, un gouvernement d’union nationale (GNA), conduit par Fayez al-Sarraj, a vu le jour. Mais, depuis, il n’a toujours pas été investi par le Parlement de Tobrouk, qui soutient désormais un gouvernement qui n’est plus plus reconnu par la communauté internationale.

Pour le moment, donc, l’initiative de l’ONU visant à refaire l’unité politique de la Libye est un échec. D’autant plus que les autorités de Tobrouk n’entendent visiblement rien céder. Début septembre, l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par le général Khalifa Haftar (photo), dont le sort explique en grande partie la situation actuelle, a pris le contrôle du Croissant pétrolier, privant ainsi le GNA de ressources financières.

Dans le même temps, avec les forces qui lui ont fait allégeance – essentiellement les milices de Fajr Libya -, ce même GNA a lancé une offensive visant à chasser l’EI de Syrte. Mais, malgré l’appui aérien fourni, à sa demande, par les États-Unis, l’opération patine. À l’est, les troupes du général Haftar sont aussi aux prises avec des groupes jihadistes à Benghazi.

La méthode suivie par l’ONU a-t-elle été la bonne? En tout cas, devant le Conseil des Nations unies pour les droits de l’Homme, le 27 septembre, son émissaire spécial pour la Libye, Martin Kobler, a admis que ce pays fait « malheureusement face à une impasse politique », ainsi qu’à des « développements militaires dangereux », comme la récente prise de contrôle des terminaux du Croissant pétroliers par les troupes du général Haftar ou encore les combats à Syrte, où l’on compterait « 600 morts » parmi les forces loyalistes au GNA.

En outre, M. Kobler a également appelé à ne pas « sous-estimer les risques de tensions croissantes dans la capitale Tripoli » et précisé qu’avec les opérations anti-jihadistes de l’Armée nationale libyenne à Benghazi, « 100 familles sont piégées dans des zones de combat, confrontées en permanence aux bombardements, au manque de nourriture, de médicaments et d’électricité. »

Sur le plan économique, la situation n’est guère brillante. Ainsi, le GNA, privé, qui plus est, de la manne pétrolière, dépense 93% pour accorder des subventions et payer les salaires, dont ceux combattants des milices armés qui le soutiennent.

Or, selon M. Kobler, ces dernières « continuent de commettre de graves violations des droits de l’Homme en totale impunité », notamment sur les migrants, réfugiés et autres demandeurs d’asile qui attendent de rejoindre l’Europe. L’émissaire de l’ONU a ainsi parlé « d’abus systématiques » et dénoncé ceux qui s’en rendent coupables, dont des « membres des milices et d’institutions officielles. »

La situation libyenne est « lourde de grands dangers » et « nous ne pouvons pas donner à la Libye l’exemple de la Syrie », a affirmé, le 27 septembre, le président Hollande, après un entretien avec Fayez al-Sarraj, le chef du GNA. « L’intérêt de la communauté internationale, c’est d’avoir une Libye stable et sûre, d’où le soutien très important que nous devons apporter au gouvernement d’union nationale pour la réconciliation », a-t-il aussi déclaré.

La solution a cette impasse politique évoquée par M. Kobler passe évidemment par le dialogue et des concessions faites par les deux parties. Aussi, M. al-Sarraj devrait prendre « des initiatives » en ce sens. « Nous lui faisons confiance pour qu’il puisse élargir son gouvernement et intégrer toutes les parties prenantes et, j’espère, que la confiance aussi lui sera apportée par le Parlement », a avancé M. Hollande.

Dans les colonnes du Figaro, ce 28 septembre, M. al-Sarraj semble avoir fait un premier pas. Interrogé sur la place que doit avoir le général Haftar (par ailleurs soutenu par l’Égypte et les Émirats arabes unis), le chef du GNA a fait valoir que « dans tous les États, les militaires dépendent du pouvoir politique » et que si « on accepte ce principe, qui vaut partout, alors aucune exclusion ne sera prononcée contre personne. Et d’insister : « Mais tout un chacun doit accepter de travailler sous la responsabilité du Conseil présidentiel. »

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