Budget 2016 : Le surcoût des opérations intérieures est largement sous-évalué… Et personne ne sait comment le financer

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Par rapport à celui de cette année, et conformément à la trajectoire financière établie par l’actualisation de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, le budget de la Défense pour 2016 sera supérieur de 600 millions d’euros, pour s’établir à 32 milliards (hors pensions).

Cette hausse vise à financer la déflation moins importante de personnels par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Il s’agit ainsi de porter le format de la Force opérationnelle terrestre (FOT) de 66.000 à 77.000 soldats, afin qu’elle puisse être en mesure d’assurer les opérations extérieures (OPEX) et intérieures (OPINT), comme Sentinelle, lancée après les attentats commis à Paris en janvier dernier.

Seulement, se pose la question des surcoûts d’une telle opération. Pour 2015, les missions intérieures bénéficiaient d’une ligne de crédit d’environ 11 millions d’euros dans le programme 212 de la mission « Défense », essentiellement dédié aux dépenses de personnels. Or, avec Sentinelle, cette provision est largement insuffisante.

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a assuré que le montant des surcoûts générés par l’opération Sentinelle serait de l’ordre de 200 millions d’euros, alors qu’au printemps, ils étaient estimés à 1 millions par jour.

Mais « c’était au démarrage » car « non seulement nous sommes passés de 10.000 à 7 000 hommes, mais nous n’avons plus à payer autant pour l’équipement et les locations. Le bilan ne sera donc pas si élevé », a expliqué le ministre, qui a aussi indiqué que la prise en charge de ces 200 millions sera discutée « dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d’année ».

Seulement, Sentinelle est appelée à durer. Et il est logique que le montant de ses surcoûts seront identiques en 2016 à ceux constatés cette année. Or, le projet de budget ne prévoit de financer les opérations intérieures qu’à hauteur de 26 millions d’euros, comme l’indique le député François Cornut-Gentille, qui, d’ailleurs, s’en inquiète. Reste donc à savoir qui comblera la différence.

Pour les opérations extérieures (OPEX), le total de leurs surcoûts est systématiquement sous-évalué par le ministère de la Défense. La différence entre ce qui est incrit en loi de finances et leur montant réel est pris en charge par la solidarité ministérielle. « C’est un moyen de faire partager à l’ensemble du budget de l’État ces surcoûts, qui seront en 2015 à peu près au même niveau qu’en 2014 » [un peu plus d’un milliard, ndlr], a fait valoir M. Le Drian. Mais en sera-t-il de même pour ceux liés aux OPINT?

Rien n’est moins sûr… L’article 4-1 de la LPM 2014-2019 actualisée précise ainsi que « le bilan relatif aux missions intérieures en cours détaille les surcoûts nets, hors titre 5 [ndlr, dépenses d’investissements], résultant, pour le ministère de la défense, de ces missions et présente leurs modalités de financement. Le premier bilan relatif aux missions intérieures en cours précise les conditions dans lesquelles ces surcoûts peuvent faire l’objet d’un financement interministériel. »

Or, la rédaction de cet article en commission mixte paritaire (rassemblant députés et sénateurs pour qu’ils trouvent un compromis sur un texte quand ils ne sont pas d’accord) a fait l’objet de vifs débats, certains déplorant, comme le député Yves Fromion, qu’il n’y avait « aucune indication à l’égard du Gouvernement pour l’orienter vers un financement interministériel », contrairement à l’amendement adopté par le Sénat quelques jours plus tôt.

Lors des débats, Mme Patricia Adam, qui préside la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, avait estimé que, les OPINT étant « totalement nouvelles », il était « très difficile d’en estimer aujourd’hui le coût, lié à la fois aux indemnités versées aux militaires, à leur logement ainsi qu’aux déplacements » et que, par conséquent, il était trop tôt pour en déterminer leur mode de financement. On sera donc fixé quand le gouvernement remettra aux parlementaires un rapport détaillé sur l’opération Sentinelle, comme l’indique l’article 4-1 de la LPM actualisée

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