Pourquoi l’Otan devrait faire plus souvent confiance au renseignement militaire français

L’an passé, le général américain Philip Breedlove, le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), s’inquiétait de voir se masser à la frontière russo-ukrainienne d’importantes troupes russes.

Dans les colonnes du Wall Street Journal, des responsables du Pentagone indiquèrent même que des réserves de matériels et de nourriture avaient été concentrées en vue d’établir une éventuelle ligne logistique en vue d’une intervention en Ukraine de 40.000 soldats russes, appuyés par des moyens de guerre électronique, des avions d’attaque au sol et des hélicoptères.

Pour le général Breedlove, les forces russes étaient même prêtes à « y aller » pour atteindre « leurs objectifs en 3 à 5 jours » si elles en recevaient l’ordre. L’enjeu, selon lui, était d’établir un couloir terrestre vers la Crimée, s’assurer du contrôle de l’est de l’Ukraine et de prendre le port d’Odessa, avec la Transnistrie en ligne de mire.

Seulement, la Direction du renseignement militaire (DRM) avait une estimation radicalement différente de la situation. C’est du moins ce qu’a avancé son chef, le général Christophe Gomart, lors d’une audition devant la commission « Défense » de l’Assemblée nationale.

« L’Otan avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse », a-t-il dit. « Nous avions en effet constaté que les Russes n’avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d’hôpitaux de campagne, permettant d’envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n’avaient effectué aucun mouvement », a-t-il expliqué.

« La suite, a ajouté le général Gomart, a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s’agissait plus d’une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d’une tentative d’invasion ».

Aussi, pour le patron de la DRM, « la vraie difficulté avec l’Otan » est que « le renseignement américain y est prépondérant, tandis que le renseignement français y est plus ou moins pris en compte ». D’où, a-t-il ensuite plaidé, « l’importance pour nous d’alimenter suffisamment les commanders de l’OTAN en renseignements d’origine française ».

Un autre problème soulevé par le général Gomart concerne l’image que peuvent avoir les services d’outre-Atlantique de leurs homologues français. « Les Français n’apparaissent pas toujours comme un partenaire très fiable aux yeux des Américains : il semble qu’ils nous considèrent comme un peu fantasques, tout en nous reconnaissant un grand professionnalisme et une capacité à agir largement démontrée au Sahel – ce qui les conduit même à admettre qu’ils auraient été incapables d’en faire autant avec si peu de personnel », a-t-il constaté.

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